Diabète, maladies cardiovasculaires, troubles psychiatriques, maladies neurologiques respiratoires, du foie ou encore cancers : les maladies chroniques touchent plus souvent les Français les plus modestes, ce qui impacte leur espérance de vie, met en évidence une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
Comme de précédents travaux, notamment sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC), cette nouvelle analyse s’appuie sur le rapprochement des données opéré dans « EDP santé »*, un « nouvel outil pour observer les inégalités » de santé avec des effectifs plus importants, a expliqué lors d’un point presse Benoît Ourliac, sous-directeur « Observation de la santé et de l’assurance maladie » de la Drees. L’étude porte ainsi sur 4 % de la population française, soit 3 millions de personnes, pour la période 2016-2017.
Les plus modestes plus touchés par les maladies chroniques
Si une « amélioration globale » de la population française est observée, des « inégalités importantes persistent », poursuit-il. Comparés aux 10 % de Français les plus aisés, les 10 % les plus modestes ont 2,8 fois plus de diabète, 2,2 fois plus de maladies du foie ou du pancréas, 2 fois plus de maladies psychiatriques, 1,6 fois plus de maladies respiratoires chroniques, 1,5 fois plus de maladies neurologiques ou dégénératives et 1,4 fois plus de maladies cardioneurovasculaires, détaille l’étude.
L’analyse selon la catégorie socioprofessionnelle montre aussi un risque accru de maladie chronique chez les ouvriers par rapport aux cadres et professions intellectuelles supérieures. Les premiers sont par exemple deux fois plus à risque de développer une maladie psychiatrique que les seconds. Et, « le risque est multiplié par 1,9 pour le diabète, 1,5 pour les maladies neurologiques ou dégénératives et les maladies du foie ou du pancréas, 1,4 pour les maladies respiratoires chroniques et 1,3 pour les maladies cardioneurovasculaires », est-il indiqué.
À ces inégalités de prévalence s’ajoutent des inégalités d’incidence. « Pour les maladies psychiatriques, les inégalités de prévalence sont plus importantes que celles d’incidence », souligne Samuel Allain, premier auteur de l’étude. Si les plus modestes sont deux fois plus à risque d’en développer une que les plus aisés, ils sont 2,8 fois plus nombreux à vivre avec. Ce constat peut notamment s’expliquer par la spécificité des maladies psychiatriques, qui, si elles apparaissent tôt dans la vie, peuvent affecter les chances de faire des études ou d’avoir un emploi, ce qui impacte le niveau de vie.
Les maladies chroniques creusent les écarts d’espérance de vie
Par ailleurs, « les maladies chroniques contribuent aux écarts d’espérance de vie », indique Samuel Allain. Une différence de 13 ans d’espérance de vie entre les plus modestes et les plus aisés est observée chez les hommes et de 8 ans chez les femmes. Sans les maladies chroniques, cet écart d’espérance de vie à la naissance serait « réduit de plus d’un tiers », poursuit-il, précisant que les maladies psychiatriques et cardioneurovasculaires sont celles qui « creusent le plus aux écarts d’espérance de vie ».
Deux mécanismes sont potentiellement à l’œuvre, avance le statisticien : soit « la position sociale influe sur la santé, les comportements individuels (tabagisme ou activité physique, par exemple), l’exposition aux pollutions, l’accès aux soins étant des déterminants importants de santé », soit « un état de santé altéré dégrade la position sociale ».
Concernant les cancers, le constat est paradoxalement inversé. Les personnes les plus modestes en développent relativement moins, ce qui pourrait être la conséquence d’éventuelles inégalités sociales devant le recours au dépistage. « Le dépistage est plus tardif chez les plus modestes », relève Vianney Costemalle, coauteur de l’étude.
Autre hypothèse, « l’état de santé plus dégradé des plus modestes conduit à des décès prématurés, avant que les cancers ne se développent », ajoute Samuel Allain. Aussi des variations sont observées selon le type de cancer. « Un gradient social existe notamment dans les cancers des voies respiratoires, plus fréquents chez les plus modestes, à l’inverse de ce qui est observé pour les cancers de la prostate et du sein », complète-t-il.
*croisement des données de l’échantillon démographique permanent (EDP) géré par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) avec celles issues du système national des données de santé (SNDS).
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