L’APPEL mondial des médecins, certes très général, perpétue la longue tradition des études de climatologie médicale » : le sommet de Cancun, dont on attend peu de résultats concrets, peut être l’occasion de rappeler que les médecins, il y a deux siècles, firent partie des premiers scientifiques à étudier régulièrement et systématiquement le climat, avant tout dans un but de protection de la santé. Certes, Hippocrate relève déjà les liens évidents entre le climat et la santé, et de nombreux traités médicaux sur les climats voient le jour à partir du XVIe siècle. Mais, comme le souligne le climatologue Jean-Pierre Besancenot, c’est au début du XIXe que les médecins, enfin équipés d’instruments de mesure comme les thermomètres ou les baromètres, commenceront à étudier sérieusement le climat et le « temps qu’il fait », cela avant tout dans le but de prévoir les épidémies.
Précurseurs au début du XIXe.
Plusieurs études médico-scientifiques, relayées par les principales sociétés de médecine de l’époque, affirment en effet que les épidémies surviennent lors de configurations météorologiques particulières et que leur observation peut donc contribuer à les prévenir. À partir des années 1810-1820, en particulier dans les villes universitaires, les médecins vont se relayer pour consigner, trois fois par jour, les observations météorologiques : mesures de la pression atmosphérique, des températures, des précipitations et des vents, puis de l’ozone, lorsque celle-ci sera découverte en 1840. Les revues médicales de l’époque, à l’image de « la Gazette médicale de Paris » et de celle Strasbourg, publient, chaque mois les relevés météorologiques du mois précédent, avec des commentaires et des observations. Parallèlement, la climatologie médicale, c’est-à-dire l’étude plus précise des effets du climat sur la santé et la recherche de conditions météorologiques les mieux adaptées au traitement de certaines maladies, se développe à partir des années 1850. Elle jouera un rôle considérable dans l’expansion du thermalisme, de la balnéothérapie et des sanatoriums.
Si les progrès de la clinique et de la biologie relativisent l’importance de la météorologie sur la santé, et conduisent progressivement les médecins à délaisser les relevés d’observations, la climatologie médicale poursuit son développement, et le traité majeur de cette discipline, rédigé par Marius Piéry, paraît en 1934. Elle connaîtra ensuite une certaine désaffection, en dépit de la publication de nombreuses autres études, mais les questions posées par le réchauffement climatique l’ont remise au goût du jour depuis quelques années.
Lanceurs d’alerte.
Reflet de ce regain d’intérêt, l’appel publié par la communauté médicale internationale souligne que le réchauffement aura des incidences dramatiques en terme d’inondations et de récoltes, mais aussi d’agents infectieux, d’allergies et d’épidémies, sans parler de la poursuite de la pollution de l’air et de l’eau, et de leurs effets sur la santé. Les médecins déclarent que la réduction des transports polluants au profit de moyens de déplacements propres comme la marche et le vélo réduirait non seulement les émissions de CO2, mais contribuerait aussi à lutter contre la sédentarité et l’obésité.
Au-delà de la masse énorme de publications anciennes sur les relations entre le climat et la santé, et même si les météorologistes nous rappellent que « le temps qu’il fait » n’est qu’un minuscule aspect du climat dans sa complexité, l’étude, à 150 ans de distance, des observations médicales d’autrefois reste néanmoins aussi utile qu’instructive. Bien avant la naissance de la météorologie nationale (1878), les médecins qui décrivaient soigneusement le temps dans leurs villes ou leurs régions nous rappellent que ce que nous ressentons localement comme des « dérèglements climatiques » était autrefois déjà tout à fait courant. Les tables météorologiques de la « Gazette médicale de Strasbourg » par exemple, tenues sans interruption de 1835 à 1870, abondent en mois de décembre anormalement chauds et en étés froids et pluvieux, mais aussi en vagues de froid inhabituelles et en changements subits de température, entraînant leurs cortèges de dégâts du gel ou des eaux. Rédigée pendant plus de vingt ans par le Dr Théodore Boeckel, l’un des grands médecins de famille de Strasbourg, puis par le pharmacien de l’hôpital Eugène Hepp, les observations de « la Gazette de Strasbourg » n’ont peut-être plus, de nos jours, qu’une valeur historique. Mais elles sont toujours capables de réconforter les lecteurs d’aujourd’hui, surpris ou inquiets de la dureté de ce début décembre 2010 après une première quinzaine de novembre tout aussi étonnamment douce.
*Parmi lesquelles, l’Association médicale mondiale, le Comité permanent des médecins de l’Union européenne, l’Association mondiale des étudiants en Médecine, l’Association mondiale des infirmières...
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