DE NOTRE CORRESPONDANT
LES SEPT études conduites par l’équipe de Dacher Keltner (Université de Toronto, Canada) ont exploré une variété de comportements éthiques, à la fois de manière objective et par auto-évaluation, afin de vérifier l’hypothèse suivante : le fait de posséder davantage de biens matériels et d’avoir, de ce fait, une plus grande indépendance financière, émousse le sens des valeurs morales au travers d’une exacerbation de la convoitise.
Dans les deux premiers tests (des études de terrain), des observateurs dissimulés ont examiné le comportement de 274 conducteurs d’automobile au croisement de deux rues fréquentées. L’impartialité des observateurs étaient garantie par leur ignorance du dessein de l’étude. Les comportements irrespectueux vis-à-vis des autres conducteurs (premier test) ou vis-à-vis des piétons (deuxième test) étaient plus fréquents lorsque les conducteurs étaient au volant d’automobiles plus luxueuses.
La troisième étude, basée sur les réactions des participants (105 étudiants des deux sexes) à huit « scénario » où des acteurs s’approprient quelque chose de manière injustifiée, révèle, là encore, que les sujets qui s’identifient le plus souvent avec des décisions non éthiques appartiennent, d’après l’échelle de MacArthur du statut social subjectif, à une classe aisée, même après contrôle de facteurs confondants (âge, sexe, ethnie).
La négociation de salaires.
Une autre expérimentation a testé les tendances à la malhonnêteté, au travers d’un scénario où les participants (n = 108, dont 61 femmes) étaient placés en position d’employeur et devaient négocier le salaire des candidats à l’emploi proposé. On indiquait aux participants : que l’emploi en question était de courte durée (moins de six mois) ; mais que les postulants, eux, pensaient qu’il s’agissait d’un emploi stable (pour une durée d’au moins deux ans). On demandait alors aux sujets de dire quelles chances il y avait qu’ils disent la vérité aux postulants sur le caractère temporaire de l’emploi. En parallèle, les participants estimaient leur classe sociale d’après l’échelle de MacArthur. Les facteurs contrôlés étaient, outre l’âge, le sexe et l’appartenance ethnique, le caractère religieux et l’orientation politique. Les chercheurs constatent que la classe sociale est corrélée négativement avec la probabilité de dire la vérité aux postulants et positivement avec la tentation de la concupiscence. En d’autres termes, plus les participants appartenaient à une classe aisée, plus les chances de dissimuler le caractère temporaire du poste offert aux candidats étaient fortes.
Convoitise.
Pour compléter cette enquête, une dernière étude (90 participants dont 53 femmes) visait à déterminer la motivation des comportements non éthiques. On demandait aux sujets de donner trois raisons pour lesquelles la convoitise pouvait présenter des « avantages ». En comparant ces réponses à la proportion de comportements non éthiques au travail, D. Keltner et coll. ont découvert une corrélation significative entre les avantages trouvés à la cupidité et la fréquence des attitudes manipulatrices.
Cette série d’études, qu’elles soient réalisées en situation réelle ou expérimentale, met assez clairement en évidence une relation entre l’appartenance à une classe sociale aisée et la tendance à négliger l’aspect moral de nos comportements vis-à-vis des autres. Cette association semble, en partie au moins, s’expliquer par une vision laxiste vis-à-vis de la cupidité.
D Keltner et coll. Higher social class predicts increased unethical behavior. Proc Natl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque