EN TOUTE DISCRÉTION, la HAS soumettait en juillet dernier pour « consultation publique » ses recommandations encore provisoires sur l’autisme et les autres troubles envahissants du développement chez l’enfant et l’adolescent via son site internet. Quelques mois plus tard, ces mêmes recommandations qui doivent officiellement être dévoilées aujourd’hui seront au contraire sous le feu des projecteurs et scrutées avec la plus grande attention. Entre-temps, le quotidien « Libération » a récemment mis l’accent sur un passage hautement polémique concernant les pratiques psychanalytiques dans la prise en charge de l’autisme en citant un document de travail vraisemblablement très proche de celui mis en ligne en juillet dernier sur le site Internet de la HAS. À la page 154 du « document préparatoire » retiré depuis du site de la Haute Autorité figure en effet la conclusion suivante : « Les données scientifiques ne permettent pas de juger de l’efficacité ou de la sécurité des prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique ». Depuis plusieurs semaines, psychanalystes et associations de parents d’enfants autistes exposent leurs arguments dans les médias en faveur ou contre cette pratique depuis longtemps décriée dans l’autisme, au point de générer fin janvier une proposition de loi prônant son interdiction pure et simple dans le champ de la maladie. Entre ces deux camps, des psychiatres non-psychanalystes s’invitent pacifiquement dans la bataille en publiant une pétition en ligne* « en faveur des bonnes pratiques en psychiatrie et dans les professions associées », paraphée par près de 1 200 signataires. Alors que la HAS doit publier aujourd’hui ses recommandations, « le moment est (…) particulièrement important pour envoyer en France un signal fort pour favoriser l’appui des recommandations de bonnes pratiques sur les connaissances scientifiques de l’autisme », souligne le manifeste. « Actuellement de nombreuses informations peuvent faire penser que les professionnels de la santé mentale en France rejettent les connaissances scientifiques et les principes de l’EBM (Evidence based medicine) et se tournent vers des pratiques non conformes à l’éthique et aux connaissances scientifiques actuelles », à commencer par la psychanalyse qui est ici implicitement pointée du doigt sans jamais être nommée.
Exception française.
« Nous voulons par ce manifeste faire connaître un autre aspect de la santé mentale en France : l’existence de professionnels qui fondent leur pratique sur les principes de l’EBM. Nous pensons par ce manifeste favoriser la reconnaissance par le public de cette approche et encourager son développement parmi les professionnels », écrivent les 13 psychiatres et psychologues cliniciens à l’origine de la pétition. « La plupart des pédopsychiatres qui ne sont pas psychanalystes jouent l’omertà », déclare le Dr François Pinabel, psychiatre non-psychanalyste qui a participé à l’élaboration de ce manifeste.
« Il faut que l’on sorte du bois en se manifestant car ce que le grand public voit, c’est une guerre d’école entre les psychanalystes et les comportementalistes », poursuit-il. « Il est peut-être temps de montrer qu’en France, il y a des professionnels qui essayent de travailler comme on travaille partout dans le monde dans n’importe quelle spécialité médicale, avec le devoir de mettre à jour ses connaissances et compétences en fonction des consensus internationaux », indique le Dr Pinabel qui pointe « l’exception française de la pédopsychiatrie où 90 % des pédopsychiatres restent tournés sur eux-mêmes ». Avec ce manifeste, « nous ne voulons pas la guerre, nous voulons au contraire sortir du débat dans l’intérêt des patients », martèle le psychiatre. « Je vois des patients dont je fais le diagnostic, mais selon le bassin de vie où ils résident, je suis incapable de leur proposer des soins qui correspondent car éthiquement, je refuse de les envoyer dans des hôpitaux de jour où je sais qu’ils vont être pris en charge de façon psychanalytique, à faire de la pâte à modeler et ne pas être stimulés. Du coup, je suis obligé d’envoyer ces patients dans le privé où ce sont les parents qui doivent payer de leur poche. Et ça, ce n’est pas normal », confie le Dr Pinabel.
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