DE NOTRE CORRESPONDANT
FRANÇOIS FILLON s’est déplacé le 20 août à Saint-Michel-en-Grève pour annoncer des mesures de lutte contre les algues vertes qui prolifèrent particulièrement dans cette baie de Lannion mais aussi, avec une intensité plus ou moins grande, sur l’ensemble du littoral breton*, c’est-à-dire dans des baies peu profondes touchées par une forte concentration de nitrates, qui proviennent très majoritairement du milieu agricole. Les mesures sont : ramassage à la charge de l’État des plages les plus touchées, mise en place d’une mission interministérielle chargée de bâtir dans les trois mois un plan d’action, feu vert pour la mise en uvre d’une expérimentation demandée par le président du Conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian, pour tester, avec l’ensemble des acteurs concernés, des solutions « efficaces » de lutte contre les algues vertes, et enfin rappel des engagements pris par le Grenelle de la Mer, et « avec les agriculteurs », selon le Premier ministre, d’une réduction de 40 % des intrants.
Gaz mortel.
Au-delà de ces mesures, l’information principale à retenir est l’officialisation d’un risque sanitaire sur les bases d’un rapport** commandé neuf jours auparavant à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), rapport qui n’a pourtant fait que confirmer les éléments déjà à disposition des pouvoirs publics. Les mesures réalisées le 13 août sur la plage de Saint-Michel-en-Grève « ont montré ponctuellement que le gaz émis par les sédiments contenant notamment des algues vertes en décomposition pouvait être dangereux », écrit l’INERIS. « Le principal composé mis en évidence, l’hydrogène sulfuré, est toxique par inhalation, précise l’Institut. À 1 000 ppm, valeur observée localement, il peut être mortel en quelques minutes. » Le seuil létal a été estimé à 688 ppm pour dix minutes d’exposition ; des effets irréversibles sont à craindre à 150 ppm, toujours pour dix minutes.
Déjà, en 2008, le Centre d’études et de valorisation des algues (CEVA) avait relevé des concentrations dépassant les 500 ppm, sans que les détecteurs puissent préciser le seuil atteint au-delà. Et, dès 2005, à la suite de mesures réalisées sur six semaines (contre une journée pour la dernière étude menée en août dernier par l’INERIS) à Saint-Michel-en-Grève, le groupe de travail regroupant la DDASS, l’InVS (Institut de veille sanitaire), le CEVA (Centre d’études et de valorisation des algues) et Air Breizh, avait observé queles niveaux en H2S (hydrogène sulfuré) relevés « sont à considérer prioritairement ». Renouvelée en 2006, cette campagne révèle que « la concentration journalière en H2S a dépassé la valeur d’exposition ponctuelle recommandée par l’OMS pour l’absence d’effet sur la santé » et que, « dans certaines conditions, des concentrations ponctuellement élevées ont été mesurées, pouvant aller au-delà de la Valeur limite d’exposition et approcher le seuil de toxicité aiguë en cas de manipulation de dépôts anciens (plus de 5 jours) fortement putréfiés. Cette situation est retrouvée au niveau de l'embouchure du ruisseau où le sol est trop meuble pour enlever les algues. »
« J’avais été surpris par l’absence de décision de la part des pouvoirs publics après ces mesures, souligne le Dr Émile Terrones, généraliste à Plestin-les-Grèves dans le cabinet médical le plus proche de Saint-Michel. Comme je suis surpris qu’avant l’étude de l’INERIS en août, il n’y ait pas eu d’étude préalable car, étant donné l’odeur pestilentielle, il était évident qu’il y avait toxicité, même si dans ma patientèle, je n’ai été sollicité directement qu’une fois sur cette question. » Même constat de la part d’un confrère, le Dr Thierry Le Bihan : « En 20 ans, je n’ai jamais vu un patient venir consulter avec un argument symptomatique lié aux algues. J’ai pourtant le responsable du ramassage comme patient ! Seul argument entendu : un sentiment de désagrément lié à l’odeur… » Ce dernier motif de consultation peut être rapproché des effets observés par le Dr Claude Lesné, médecin au département de santé publique de Rennes-1, et qui concernent en règle générale les produits malodorants. « Les populations exposées de manière répétitive à ce gaz développent de multiples anomalies de santé, notamment des troubles de l’humeur, des syndromes d’intolérance et de stress qui contribuent en particulier à l’hypertension artérielle », note ce médecin.
Un cheval et deux chiens.
Que s’est-il passé alors pour déclencher ce battage médiatique ? Le 28 juillet dernier, un cheval est mort subitement à proximité d’algues vertes et son propriétaire n’a dû son salut qu’à l’intervention de trois témoins. L’incident – que tout le monde lie alors à la présence des algues – n’est en réalité pas le premier du genre. Au moins deux témoignages de personnes ayant travaillé au ramassage des algues recueillis par la presse locale, l’une d’entre elles étant arrivée dans le coma aux urgences, laissaient entendre que le danger puisse venir de l’hydrogène sulfuré. Et puis, en juillet 2008, sur la commune d’Hillion, près de Saint-Brieuc, deux chiens avaient trouvé la mort sur un amas d’algues vertes en décomposition. La préfecture des Côtes d’Armor conteste alors la responsabilité des algues, contrairement au vétérinaire qui a mené l’autopsie des animaux et pointe directement l’hydrogène sulfuré. Le Dr Lesné se penche sur l’événement et est rapidement persuadé d’une mort par asphyxie avec cyanose. « Des gaz, ayant des propriétés toxiques sur l’appareil respiratoire, sont émis par ces amas d’algues vertes en décomposition, à des doses assez élevées pour tuer simultanément deux chiens, en très peu de temps », souligne-t-il le 4 août 2009 dans un communiqué signé avec André Picot, toxicochimiste, directeur de recherche honoraire au CNRS. Un rapport de l’INERIS relevait en 2000 dans la littérature scientifique des conséquences néfastes (des troubles respiratoires à l’apnée et jusqu’à la mort) sur le chien à partir de seuils très élevés (entre 1 000 et 2 000 ppm) pour une durée d’exposition de 15 à 20 minutes, ce qui semble être le cas pour les deux chiens. « Si cela arrive à deux gros chiens de 13 et 25 kg, cela peut arriver à des humains et notamment à des enfants, surtout car les animaux réagissent habituellement plus tard et à des doses plus élevées », commentait le Dr Lesné dans le quotidien régional, « le Télégramme », le 4 octobre 2008.
Il aura pourtant fallu attendre août dernier pour que les pouvoirs publics sonnent le branle-bas de combat.
* Rappelé par le Centre d’étude et de valorisation des algues dans son rapport 2006.
** www.ineris.fr/index.php?module=doc&action=getFile&id=3905.
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