Vieillissement de la population et nouvelles techniques percutanées

Les valvulopathies non rhumatismales s'imposent en France

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Publié le 13/02/2020
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L'épidémiologie des valvulopathies s'est modifiée au cours de ces deux dernières décennies. Deux études de Santé publique France en rendent compte dans le « Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire ».
Un faible taux de mortalité qui pourrait s'expliquer par la prise en charge d'un grand nombre de patients par TAVI dans les CHU

Un faible taux de mortalité qui pourrait s'expliquer par la prise en charge d'un grand nombre de patients par TAVI dans les CHU
Crédit photo : Phanie

Amélioration de la prise en charge de l'angine à streptocoque A, augmentation de l'espérance de vie, élargissement des indications percutanées du rétrécissement aortique (RA) et de l'insuffisance mitrale (IM), comment ces évolutions de ces 20 dernières années se sont-elles traduites dans l'épidémiologie des valvulopathies en France ?

C'est à cette question qu'ont voulu répondre deux études de Santé publique France, l'une en mesurant l'incidence des hospitalisations pour valvulopathies entre 2006 et 2016 (1), l'autre en évaluant la mortalité de ces affections cardiaques entre 2000 et 2014 (2).

Il en ressort un constat général : le paysage se modifie profondément. L'incidence des patients hospitalisés pour valvulopathies est en augmentation. Le poids des valvulopathies non rhumatismales (VNR), notamment le RA, va croissant tandis que celui des valvulopathies rhumatismales (VR) diminue.

Une prévalence accrue, une mortalité contenue

Si le vieillissement dans les pays développés laissait présager une prévalence accrue de ces pathologies, notamment par calcification de la valve, les avancées médico-chirurgicales contrebalancent les conséquences graves. La mortalité par VNR reste ainsi malgré tout stable ; et dans le même temps, celle par VR diminue, grâce à la prévention du rhumatisme articulaire aigu (RAA) par le traitement de l'angine à streptocoque A. 

Avec 38 875 patients hospitalisés pour valvulopathie en 2016, 89 % d'entre eux l'ont été pour une VNR avec un âge de 74 ans. En dix ans, l'incidence annuelle des patients hospitalisés pour VNR a ainsi augmenté de 43 % entre 2006 et 2016 ; dans le même temps, celle des patients hospitalisés pour VR a diminué de 42 %. En 2016, on comptait 5 % de VR (âge moyen de 67 ans), ainsi que 3 % de valvulopathie congénitale (âge moyen de 29 ans) et 3 % d'origine non spécifiée.

Concernant la mortalité, 11 179 certificats de décès en 2014 faisaient mention d'une valvulopathie, dont 56 % en cause initiale. Le taux a diminué de 42 % pour les VR entre 2000 et 2014 (3,5/100 000 personnes années [PA] en 2014), tandis que celui des VNR est resté stable (11,8/100 000 Pa). La mortalité est restée stable également pour les valvulopathies congénitales (0,056/100 000 Pa).

Des disparités géographiques dans l'accès aux soins

Sur le plan géographique, des disparités départementales se font jour. L'incidence d'hospitalisations pour VR s'avère élevée en Île-de-France, dans les DOM-TOM et dans le Sud-Est. Ce phénomène pourrait s'expliquer « par les flux de population ou une moindre prise en charge des angines à streptocoques du groupe A », est-il suggéré.

La mortalité varie également, elle est plus élevée au Nord et à l'Ouest. Mais l'inégale répartition des facteurs de risque cardiovasculaires des VNR n'explique pas tout, les disparités départementales de mortalité n'étant pas totalement superposables aux disparités des hospitalisations. Pour les épidémiologistes, l'hypothèse la plus probable tient « à des différences de pratiques ou d'accès aux soins ».

Ainsi, si l'incidence des hospitalisations pour VNR était plus élevée autour de Rouen, Toulouse et Clermont-Ferrand que dans le reste de la France, le taux de mortalité n'y était pas plus élevé. « Cela pourrait s'expliquer par la prise en charge d'un grand nombre de patients par TAVI dans les CHU de ces trois villes, sans que cela n'augmente la mortalité dans ces centres », est-il avancé. À l'inverse en Bretagne, le taux de mortalité par VNR était important, alors que l'incidence pour hospitalisations ne l'était pas.

Pour les auteurs, compte tenu de la démographie vieillissante et de l'essor des techniques non invasives, il y a tout lieu de penser que ces tendances nationales vont « s'intensifier dans les années à venir ».

(1) C Grave et al. BEH n°4. 70-79. 11/02/2020
(2) C Grave et al. BEH n°4. 80-88. 11/02/2020

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin