L'été 2021 pourrait marquer une éclaircie, fragile, dans le sombre tableau de la santé mentale des Français depuis la crise liée au Covid-19.
Selon le troisième volet de l'enquête EpiCov* mené entre le 24 juin et le 6 août 2021, le taux moyen de syndromes dépressifs chez les 16 ans et plus se stabilise par rapport à novembre 2020 autour de 11 % (12 % des femmes, 9 % des hommes), proche du niveau de 2019. Une même proportion de Français (11 % en moyenne ; 14 % de femmes et 8 % d'hommes) présente un symptôme anxieux - une symptomatologie qui va souvent de pair avec la première puisqu'une personne sur 20 cumule les deux. Pour rappel, plus de 13,5 % des Français présentaient un syndrome dépressif au printemps 2020, et même 22 % des 16-24 ans.
Les chercheurs observent d'ailleurs un recul notable des syndromes dépressifs dans cette tranche d'âge avec une prévalence qui s'élève à 14 % en juillet 2021 (18 % des femmes, 11 % des hommes), soit 5 points de moins qu'en novembre 2020.
Persistance des symptômes graves
Mais cette amélioration reste fragile et ne permet pas de retrouver les niveaux d'avant crise, quand la prévalence des symptômes dépressifs était inférieure de 4 points en 2019 pour les jeunes adultes.
En outre, le recul de syndromes mineurs en 2021 par rapport à 2020 masque la stabilisation des syndromes majeurs dans toutes les classes d'âge, sauf chez les 15-24 ans où ils régressent. Ces syndromes dépressifs majeurs ont même progressé chez les femmes de plus de 55 ans entre novembre 2020 et juillet 2021. Le soutien social, lui, a diminué entre 2019 et 2021, en lien avec la limitation des rencontres et des contacts sociaux, « ce qui peut être un élément explicatif de la dégradation de la santé mentale sur la période », lit-on.
Enfin, l'amélioration de la santé mentale entre novembre 2020 et juillet 2021 peut aussi être liée à un effet de saisonnalité, l'automne étant une période favorisant les dépressions.
L'enquête Epicov renseigne aussi sur la prévalence des troubles boulimiques (sans pour autant établir une comparaison avec l'avant-crise). En juillet 2021, 3 % des hommes et 5 % des femmes déclarent qu'il leur arrive au moins deux fois par semaine de consommer une quantité anormalement grande de nourriture sans pouvoir le contrôler. Et 0,7 % des premiers et 1,2 % des secondes ont des comportements de compensation. Ces taux s'élèvent à 8 % pour l'hyperphagie boulimique et à 2,5 % pour la boulimie chez les adolescentes et les jeunes femmes adultes ; ces comportements sont en revanche très rares chez les plus de 65 ans.
13 % de la population a consulté un psy
En juillet 2021, près de 20 % de la population (23 % de femmes, 13 % d'hommes) déclare avoir ressenti le besoin d'être aidé pour des difficultés psychologiques depuis le début du Covid et 13 % a consulté un professionnel de la santé (dont un peu moins de la moitié, pour la première fois).
Le recours aux soins est légèrement plus fréquent chez les plus modestes que chez les plus aisés, ce qui renvoie sans doute à un besoin plus important. En effet, Epicov reflète les inégalités sociales qui traversent la santé mentale. Sont ainsi corrélés au niveau de vie : la présence de syndromes anxieux, dépressifs ou de comportements boulimiques, le faible soutien social, le tabagisme quotidien, la consommation de cannabis, le niveau de satisfaction personnelle, ou encore le fait d'avoir reçu un diagnostic de trouble psychiatrique, psychologique ou d'une addiction. « Être atteint d'un trouble psychiatrique peut induire une perte de revenus ou un manque d'opportunités socio-économiques. À l’inverse, le stress économique génère des vulnérabilités psychiatriques », écrivent les auteurs. Seule exception : la consommation excessive d'alcool concerne davantage les 20 % de personnes au niveau de vie le plus élevé (à la différence de la consommation chronique, indifférente au gradient social).
* Enquête conduite par l'Inserm, la Drees, en lien avec Santé publique France et l'Insee, pour évaluer les répercussions de l'épidémie à un niveau national et départemental. Le premier volet s'est déroulé entre mai et juin 2020, le deuxième entre octobre et décembre 2020 et le troisième entre le 24 juin et le 6 août 2021.
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