Le pouvoir cherche son second souffle

Majorité : le grand malaise

Publié le 21/03/2013
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Crédit photo : AFP

FRANÇOIS HOLLANDE est certes victime de la conjoncture, mais il souffre d’un mal spécifique qu’il s’est infligé lui-même. Il a gagné les élections générales de l’année dernière en faisant des promesses qu’il n’a pas pu tenir. Les sondages indiquent une baisse alarmante de sa popularité et une remontée de celle de Nicolas Sarkozy, président en exercice naguère haï et qui apparaît, pour beaucoup, comme un recours. En dépit des divisions de la droite et des sondages montrant qu’elle ne profite guère de l’affaiblissement de la gauche, la partielle du Val d’Oise montre que la candidate socialiste a perdu 10 000 voix par rapport au premier tour de l’an dernier et que ces suffrages sont allés à l’UMP et au Front national. Le candidat de l’UMP, Jean-François Mancel, est assuré d’être réélu dimanche prochain.

Où est le projet national ?

M. Hollande ne s’est pas seulement trompé sur une croissance qu’il voyait à sa porte et qui n’est pas venue. Il a contribué à l’éloigner par le matraquage fiscal de l’an dernier, censé n’atteindre que les riches, mais qui a sonné la classe moyenne. Voué à détruire tout ce que M. Sarkozy avait fait pendant son mandat, il a pris une décision inique : la refiscalisation des heures supplémentaires, qui a tout simplement ôté de leurs poches l’argent des travailleurs les moins bien lotis. À ce jour, il n’a pas commencé à réduire les dépenses publiques. Il a même ajouté de nouvelles dépenses, comme la hausse de la prime de rentrée scolaire, l’aide aux achats de carburant, l’abolition de la journée de carence pour les fonctionnaires qui tombent malades, la retraite à soixante ans pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt, les recrutements dans la santé, la police et la justice, le renoncement au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite.

DEUX OPPOSITIONS DIFFERENTES RENDENT HOLLANDE IMPOPULAIRE

Il l’a fait pour humaniser les réformes antérieures et s’attirer les bonnes grâces de son électorat habituel, qui demeure pourtant insensible à tant de sollicitude coûteuse. Puis, il a rejoint le modèle social-libéral avec son pacte de compétitivité. Nous avons salué cette décision tout en nous interrogeant sur la contradiction entre l’augmentation des impôts et charges pour les entreprises et les largesses dont elles vont bénéficier. Si, aujourd’hui, les Français ne sont pas dégoûtés, ils sont pour le moins perplexes ; s’il existe un projet Hollande, il est noyé dans un saupoudrage de mesures dont les diverses inspirations sont contradictoires. Le Hollande de 2012 a férocement augmenté les impôts, et le Hollande de 2013 s’étonne de ce qu’il n’y ait pas de croissance. Celui de l’an dernier n’a finalement épargné aucun de ses concitoyens, celui de cette année nous annonce des coupes budgétaires impitoyables qui, si elles sont appliquées, fâcheront encore plus les abonnés des prestations sociales. Ce qu’il y a de terrible, dans cette méthode qui veut, désespérément, allier la soustraction à la générosité, c’est que personne n’en voit la fin. Ce n’est pas de payer des impôts qui indigne tant les gens, c’est qu’ils jettent leur économies dans le tonneau des Danaïdes. Payer, oui, mais pour moins de chômage, pour que les prestations sociales ne diminuent pas, pour que les hôpitaux ne soient pas engorgés, pour que l’école fonctionne dans la sérénité. Le pire, c’est l’incertitude. Nous avons tous l’impression que nous ne sortirons jamais du tunnel, que l’appauvrissement des familles aisées n’améliorera pas le sort des pauvres, qu’à la stagnation s’ajoutera la récession, qu’à la dette s’ajouteront de nouveaux déficits. Comment expliquer aux Français que les hausses d’impôts ne permettent même pas d’accomplir l’objectif de déficit budgétaire en 2013 ?

L’échec de la politique économique et sociale du président explique donc son impopularité et, comme il ne peut pas revenir en arrière, il la traînera comme un boulet jusqu’à la fin de son mandat. Il aurait mieux fait de sacrifier sa popularité à une programme rigoureux et cartésien qui aurait au moins redressé le pays. Il ne faut pas s’y tromper : il est confronté à deux oppositions, celle de la droite, qui exige de lui des coupes drastiques dans le budget et le maintien des objectifs de déficit et d’endettement ; et celle de la gauche du PS et du Front de gauche qui réunit tous les vrais déçus du hollandisme. Ce ne sont pas les mêmes. Il n’y a pas lieu de se réjouir : un socialisme tempéré pouvait sortir le pays de l’ornière. Les extrêmes qui guettent les moindres fautes du pouvoir (ils sont servis) attendent leur heure.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9228