LE QUOTIDIEN - Vous souhaitez simplifier l'administration du système de santé. Quelles seraient vos priorités ?
MARINE LE PEN - Je souhaite assainir la gestion du système de santé. Le pilotage bicéphale par l’assurance-maladie et l’État, avec l’ingérence de multiples agences, qui ont des rôles parfois flous, et pour certaines de simples missions consultatives, ne contribue pas à la clarté du système. Il est important de réfléchir à des regroupements d’agences, comme cela a été fait l’an passé avec la création de l’agence Santé publique France, fusionnant l’INPES, l’INVS et l’EPRUS. En plus de favoriser des économies d’échelle, ces regroupements permettent une simplification et une plus grande cohérence du système de santé. La priorité est également de garantir l’indépendance des agences de sécurité sanitaire par rapport à tout lobby ; les scandales sanitaires récents font souvent la démonstration de collusions entre acteurs publics et industrie, ce qui n’est pas acceptable.
En ville, faut-il augmenter le montant de la consultation médicale ?
Contrairement à d’autres candidats, je suis attachée au cadre conventionnel, et je ne promets pas la lune avant une élection. Le montant de la consultation sera déterminé lors des prochaines négociations conventionnelles. Je ne suis pas fermée à une augmentation, mais je ne me risquerai pas à donner un chiffre. J’entends certains candidats proposer une consultation à 35 euros, or la simple augmentation à 25 euros coûtera 700 millions, il faudrait donc trouver plus de 4 milliards d’euros pour une revalorisation à 35 euros : ce n’est pas raisonnable pour l'heure.
Les consultations ainsi que les tarifs de nombreux actes et produits ont été longtemps gelés et ne correspondent plus à la réalité, il faudra réactualiser les tarifs de manière progressive, au fur et à mesure que nous redresserons l'économie pour que les professionnels soient justement rémunérés.
Supprimerez-vous le tiers payant généralisé obligatoire ?
Je supprimerai le caractère obligatoire et automatique du tiers payant généralisé, tout en le laissant possible, sur demande du patient lorsque sa situation le justifie. Cette mesure permettra une économie de temps administratif et augmentera le temps médical disponible.
Quelles sont vos principales mesures pour combattre les déserts médicaux ?
Je propose de développer les maisons de santé pluridisciplinaires, dotées d’un projet médical solide ; de relever le numerus clausus dans toutes les filières de santé qui le nécessitent pour anticiper les départs à la retraite et répondre à l’augmentation des besoins avec des praticiens formés en France ; de permettre aux médecins retraités d’exercer dans un désert médical avec des déductions de charges ; d'instaurer un stage d’internat dans un désert médical en hôpital, en cabinet libéral ou en maison de santé ; de favoriser la coopération entre professionnels, avec des délégations de tâches lorsqu’elles sont possibles ; enfin il faut créer un service civique de santé, sur une base volontaire et salariée.
Combien de postes supplémentaires de titulaires faut-il créer dans les hôpitaux ?
Le nombre précis de postes supplémentaires ne peut pas être arrêté ex ante, il y aura une évaluation des besoins hôpital par hôpital et les moyens seront donnés au cas par cas pour financer les augmentations d’effectifs nécessaires. Les métiers concernés sont les métiers du soin (infirmiers, aides-soignants, médecins, sages-femmes, psychologues…) mais également les professionnels administratifs. Pour cela, il faut redonner envie de travailler à l’hôpital en garantissant la sécurité des professionnels, l’approvisionnement et la qualité du matériel et en revalorisant le traitement des personnels hospitaliers.
Souhaitez-vous maintenir les GHT, qui organisent la recomposition hospitalière ?
Si la mutualisation peut être une bonne idée dans certains cas, la manière dont les GHT ont été institués n’est pas la bonne : ils ont été conçus sans réelle concertation, sur la base de territoires arbitraires qui ne correspondent à rien, et sans souplesse. Il faut réétudier les GHT pour plus de flexibilité dans leur constitution géographique, et pour tenir compte de la situation des patients et des professionnels qui se sont vu imposer une mobilité forcée.
Que proposez-vous pour améliorer la sécurité des soignants ?
Il faut tout d’abord faire respecter la laïcité à l’hôpital et s’opposer aux revendications communautaristes. Les hôpitaux doivent être suffisamment pourvus en personnels de sécurité, notamment dans les services d’urgence où la longueur de l’attente peut mener à l’agressivité. Je plaide aussi pour un lien direct entre cabinets médicaux et forces de l’ordre, avec un service d’alerte unique.
Comment comptez-vous lutter concrètement contre la fraude sociale ?
Il est nécessaire de professionnaliser les équipes de lutte contre la fraude et d’optimiser l’utilisation des outils numériques pour détecter les abus (data mining, data matching). Il faudra durcir les sanctions et veiller à ce que les fraudes détectées soient effectivement recouvrées. La fraude aux prestations sociales dépasse le milliard d’euros, la fraude aux cotisations sociales dépasse les 20 milliards. On peut raisonnablement estimer des économies possibles à hauteur de 8 milliards d’euros sur la fraude.
Vous êtes très favorable à la vente de médicaments à l’unité. Comment comptez-vous lever les réticences des pharmaciens et des laboratoires ?
En effet, je plaide pour la généralisation de la dispensation des médicaments à l’unité. Les réticences des pharmaciens sont compréhensibles parce que les conditionnements ne sont pas adaptés à ce mode de dispensation. Il faut obliger l’industrie à adapter ses chaînes de production pour fournir les médicaments dans un conditionnement adéquat, afin de faciliter la délivrance à l’unité en garantissant la traçabilité et la sécurité des médicaments. La Cour des Comptes estime les économies à 2 milliards d’euros, et l’Institut de l’Entreprise les estime à 2,9 milliards.
Vous proposez de supprimer l’AME au profit d’une aide limitée aux urgences, maladies graves ou contagieuses. Pourquoi ce choix ?
Pour la simple et bonne raison que les Français doivent être prioritaires dans l’accès aux soins : plus d’un Français sur quatre dit avoir déjà renoncé à des soins pour des raisons financières. Au salaire moyen (2 000 euros net), on paie 400 euros de cotisation d’assurance-maladie par mois ! Les 30 euros qui étaient demandés pour l’AME ont été supprimés en 2012 ; c’est scandaleux. N’oublions pas que l’AME permet le remboursement de la quasi-totalité des soins, sans ticket modérateur ni franchise, alors que les Français ont un reste à charge qui grandit année après année. Arrêtons les caricatures : supprimer l’AME n’interdit pas l’accès au système de santé. Les étrangers en situation irrégulière pourront toujours se faire soigner mais ils devront payer, sauf en cas d’urgence ou de risque pour la santé publique – or cela représente une minorité des dépenses d’AME.
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