« Obésité, sous-alimentation et changement climatique sont interconnectés et font peser sur l’humanité la menace d’une syndémie mondiale », alerte la Pr Emmanuelle Kesse-Guyot, directrice de recherche à l’INRA.
« Pendant longtemps, explique-t-elle, on a pu mesurer l’impact de l’accroissement de la richesse et de l’industrialisation en Occident sur les régimes alimentaires. D’un régime principalement végétal, les pays riches sont passés à un régime de plus en plus carné, de plus en plus sucré, de plus en plus salé, de plus en plus gras. Les effets en santé sont clairement établis, avec le surpoids, l’obésité, les maladies associées comme le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Aujourd’hui, poursuit l'investigatrice de la cohorte NutriNet-Santé, qui est aussi coordinatrice de l’étude SU.VI.MAX 2 on peut mesurer l’impact du réchauffement climatique sur l’alimentation : nous constatons qu’aux risques de l’obésité s’ajoutent ceux de la sous-alimentation et de la sous-nutrition. Les niveaux de vulnérabilité alimentaire des populations pauvres sont en augmentation sensible. C’est tout l’équilibre alimentaire mondial qui est mis en péril par les pénuries. Et nous sommes entraînés dans un cercle vicieux : le climat bouleverse le système alimentaire, alors que celui-ci est super-impactant dans le réchauffement climatique, dont il est le deuxième moteur, juste après les transports. »
Événements naturels s’ajoutent aux évolutions agronomiques
Les rapports de la FAO, l’agence spécialisée des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, sont dramatiques : 183 millions de personnes souffrent de stress alimentaire en étant exposées à une insécurité d’approvisionnement ; plus de 690 millions souffrent de la faim en lien avec l’élévation des températures et si rien n’est fait, elles pourraient être deux fois plus nombreuses d’ici à 2080.
Le nombre et l’intensité des catastrophes sanitaires sont désormais trois fois supérieurs à celui des années 1970 et 1980, avec des pertes agricoles qui peuvent avoir des effets dévastateurs sur la santé publique. « Aux événements naturels, souligne Emmanuelle Kesse-Guyot, s’ajoutent des évolutions agronomiques très péjoratives : les rendements des engrais, après avoir atteint un plateau, sont à la baisse, tout comme les teneurs en nutriments, alors que la toxicité des pesticides connaît partout une envolée. »
Point de non-retour
« Cela fait plus de vingt ans que les chercheurs travaillent et alertent sur l’urgence de changer en profondeur le système alimentaire face au changement climatique. Des évolutions sont perceptibles, par exemple avec la révision du PNNS (Programme national-nutrition-santé) — qui, entre 2001 et 2017, a évolué vers la végétalisation — mais nous devons constater que rien ne bouge vraiment dans les pratiques de production et de consommation en raison de l’inertie des politiques publiques et de la logique financière des groupes agro-alimentaires. Nous allons dépasser le point de non-retour si nous n’imposons pas très vite un plan collectif restrictif. L’éducation sanitaire doit y jouer un rôle majeur, en convainquant le patient consommateur du co-bénéfice pour sa santé des nouveaux modes alimentaires. »
Scientifiques de tous domaines, nutrition, agronomie, sciences naturelles et sciences sociales sont convoqués cet été en vue du premier sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires qui se tiendra en septembre prochain à New York. En état d’urgence.
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