La France jouit d’une « des législations parmi les plus généreuses d’Europe », affirment d’emblée, pour s’en réjouir, les magistrats Jean-Marc le Gars et Fabienne Guitard, respectivement président et responsable du Pôle « étrangers » de la cour d’Appel de Lyon.
Mais des difficultés subsistent non seulement autour de l’établissement des pathologies et de leur traitement par les médecins, mais aussi et surtout sur l’information concernant les systèmes de santé des pays d’origine : comment respecter la loi, qui exige, en substance, que ne soit admis en France pour des soins que l’étranger dont le pronostic vital est engagé s’il est renvoyé chez lui ? Un avant-projet de loi, aujourd’hui discrètement en préparation, pourrait modifier le dispositif prévu pour « conseiller » le préfet sur le bien fondé du séjour en France de l’étranger malade.
Les maladies psychiatriques les plus fréquentes
Selon les derniers chiffres connus (2011), rappelle Fabienne Guitard, ces titres de séjour concernent pour l’essentiel des ressortissants de huit pays (l’Algérie, les deux Congo, l’Arménie, le Maroc, les Comores, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Kosovo). Les maladies psychiatriques (22 % des cas), arrivent loin devant le VIH, le diabète, les affections cardiaques, le cancer et les hépatites, parmi les pathologies les plus fréquemment établies par le certificat du généraliste ou du médecin hospitalier. Car au départ, l’étranger séjournant de façon irrégulière en France qui souhaite accéder aux soins doit d’abord subir une visite médicale, dont le compte-rendu est adressé au médecin de l’Agence régionale de santé (ARS) : c’est lui qui, après lecture du diagnostic, et évaluation du traitement, des perspectives d’évolution et... de l’offre thérapeutique du pays d’origine, recommande, ou non, au préfet d’accorder le titre de séjour. « S’il est de fait seul à se prononcer, le médecin de l’ARS, dans la situation actuelle, ne rencontre pas le patient et ne l’examine donc pas, précise la magistrate Fabienne Guitard, ce qui entraîne une frustration, voire même une vraie lassitude liée au sentiment de n’avoir pas en mains toutes les cartes pour une véritable évaluation. » Certes, ajoute-t-elle, « les préfectures tentent de compléter les dossiers par une recherche d’informations sur le système de santé des pays d’origine, notamment grâce au réseau des médecins des ambassades de France. Mais elles s’avèrent souvent approximatives, parcellaires, voire contradictoires ». Il peut même arriver, ajoute la magistrate, « que le juge ait à trancher entre un avis favorable transmis par le médecin de l’ARS qui a réuni ses propres données (possibilité de traitement inexistante, stock de médicament insuffisant etc.), et celui, défavorable, du préfet, qui, lui, a recommandé l’expulsion sur la foi d’informations plus favorables ».
Différences entre départements
D’où une réalité aujourd’hui « très contrastée », explique la magistrate, dans les avis rendus par les préfectures : toujours en 2011, 32 % des avis du médecin de l’ARS ont été par exemple positifs en Meurthe et Moselle, mais… 96 % en Haute-Savoie et 98,7 % en Loire-Atlantique. « Ces difficultés d’information (sur la maladie et ses traitements, sur les capacités sanitaires du pays d’origine), s’ajoutent aux inévitables systèmes de fraude, rapports falsifiés, documents à en-tête volés et maquillés, examens sanguins dont l’identité est incertaine etc.) », constate de son côté le président de la Cour d’Appel.
Issu des propositions d’un rapport de l’IGAS de 2013, l’avant-projet de loi - et la loi future - pourraient donc retirer aux médecins des ARS la mission de « conseiller » les préfets, pour la confier à une commission pluridisciplinaire incluant des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, « qui a l’avantage d’être une structure bien territorialisée », conclut le magistrat. Les deux vraies questions resteront néanmoins, toujours, la qualité et la fiabilité du diagnostic initial, et l’accès à l’information sur les véritables capacités thérapeutiques du système de santé du pays d’origine...
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