IL N’A PAS FALLU quarante-huit heures pour que, sur une catastrophe dont le bilan humain et financier n’avait pas encore été établi, s’ouvre un débat national à la fois inéluctable et détestable. L’accusation est lancée : tout le monde savait que les zones les plus dévastées, comme L’Aiguillon-sur-Mer et la Faute-sur-Mer, étaient en grand péril. Par définition, si l’on bâtit des digues face à l’océan, c’est qu’il existe un risque d’inondation. Les autorités municipales et le préfectorales le savaient ; les promoteurs le savaient ; les acheteurs le savaient. Du coup, la colère éclate parce que rien n’a été fait pour empêcher l’édification de logements dans une région dont personne n’ignorait les dangers.
Le précédent américain.
Le risque assumé par les habitants des communes dévastées supporte la comparaison avec le risque, plus grave encore, qu’ont pris les résidents de la Nouvelle-Orléans avant l’ouragan Katrina ; une zone sous le niveau de la mer mais protégée par une digue (avec, comme circonstance aggravante, la présence du lac Pontchartrain en surplomb de la cité). Il y a eu plus de mille morts à la Nouvelle-Orléans. À ce jour, un bon tiers de la ville n’est pas rebâti et des milliers d’ex-résidents ont renoncé à rentrer chez eux. Le président Bush, le maire, la gouverneure de Louisiane, le directeur (limogé) de la FEMA (agence fédérale de lutte contre les effets des catastrophes naturelles) tous ont eu droit à des critiques d’une sévérité inouïe et peut-être les méritaient-ils. Chacun peut comprendre qu’une société humaine organisée a le devoir de prévenir non pas le déchaînement des éléments, mais ses conséquences les plus graves. Il n’empêche que les citoyens de la Nouvelle-Orléans n’ont jamais voulu vivre ailleurs, bien qu’ils fussent conscients du danger. Ils disaient qu’il fallait des circonstances exceptionnelles pour que le désastre se produise, de la même manière que les experts s’accordent pour dire que la conjonction d’un ouragan et d’une marée particulièrement forte était hautement improbable en Charente-Martime et en Vendée.
UNE CONCEPTION INTRANSIGEANTE DE LA LIBERTÉ, MÊME SI ELLE EST PARFOIS SUICIDAIRE
La nature est plus forte que l’homme, a déclaré Philippe de Villiers. Mais l’homme n’est pas épouvanté par sa propre vulnérabilité: il s’installe sur des failles sismiques en attendant tranquillement des tremblements de terre largement prévus et documentés. Et il reste sur place quand il leur survit. Il s’agit, ni plus ni moins, du sens de la liberté qu’ont les êtres humains, une liberté parfois suicidaire. On peut, à n’en pas douter, éloigner les constructions des côtes, on ne peut convaincre les habitants de s’en aller que par des moyens autoritaires, pour ne pas dire répressifs. C’est pourquoi des voix se sont élevées au cur du débat pour rappeler que la formule « tout le monde savait », loin d’attribuer la responsabilité du drame aux diverses instances de gouvernement, traduit plutôt une sorte de consensus sur le thème : « Prenons le risque ».
Dans cette tragédie, qui a fait plus de 50 morts, causé des dégâts énormes, jeté dans la précarité des centaines de milliers de personnes, le plus impressionnant est moins la douleur des gens que leur courage. Ils ne pensent qu’à revenir chez eux pour nettoyer et réparer. Les professionnels, notamment ceux du tourisme, savent ce qu’ils ont perdu mais prévoient déjà un retour à la normale bien avant l’été. Personne n’a annoncé sa fuite ou son exil. On renforcera les digues, on s’adressera aux assurances, on pleurera les disparus, mais on ne s’en ira pas. Les écologistes accusent les promoteurs, les autorités, tous ceux qui auraient pu s’opposer aux constructions en zone inondable. Ils auront beaucoup de mal à convaincre les particuliers ou les professionnels dont la vie est à cet endroit précis et nulle part ailleurs. Aberration collective ? Non. Humanité indéracinable.
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