DANS LES BRAS de Adja, 16 ans, Djily, dix jours, sourit. La jeune fille lui a donné naissance à la maternité des Lilas, dans l’est parisien, alors qu’elle habite dans les Hauts-de-Seine, à l’extrême opposé de la capitale. « Si j’habitais à l’autre bout du monde, c’est ici que je viendrais accoucher », assure Adja, qui connaît « la bonne réputation » de l’établissement et celle du Dr Marie-Laure Brival, son obstétricienne et chef de service de la maternité. Djaoud, auxiliaire de 43 ans, regarde l’enfant, la mère et le médecin. Pour elle qui a travaillé quelque temps en clinique, il y a un « ici » et un « là-bas ». « Ici, les médecins connaissent personnellement leurs patientes et les suivent après l’accouchement. Les bébés ne sont pas des petits numéros sur un formulaire. Là-bas, on fait du chiffre, et les obstétriciens, arrivés au bloc, enfilent leurs gants sans se présenter, posent l’enfant sur le ventre de la mère et s’en vont ». Sur sa blouse à rayures bleues, un pin’s : « la maternité des Lilas vivra ».
Devenir papa pour les nuls.
Djaoud dit : « on ne vient pas aux Lilas pour l’hôtellerie ». Il est vrai que la maternité de 1 800 m2 fait grise mine, malgré une rénovation partielle en 2000. Sur les murs aux couleurs fanées, messages de prévention, tracts syndicaux, photos et témoignages de soutien aux personnels font office de décoration. Dans le couloir étroit qui mène à la salle des tatamis, où l’on pratique le ballon de naissance, la sophrologie et le yoga, les fissures se dressent derrière les panneaux d’information et le poster « Devenir papa pour les nuls ».
Pour certaines chambres, toilettes et douches sont partagées sur le palier. L’établissement affiche pourtant un taux de satisfaction de 95 %. 80 % des accouchements sont physiologiques. 50 % des IVG sont instrumentales, en anesthésie locale. « On privilégie l’ambulatoire », explique le médecin, montrant la chambre post-IVG. Trois lits, deux chaises. Non, on ne vient pas aux Lilas pour l’hôtellerie.
Mariage forcé.
Malgré sa fatigue chronique, le Dr Brival mène la danse, la « lutte », dit-elle, contre l’ARS. Charismatique, l’obstétricienne, qui travaille depuis trois décennies aux Lilas, préside le collectif de soutien. Pour tous, intégrer les locaux du CHI de Montreuil signifie se rapprocher d’une maternité de niveau III (qui pratique l’urgence), c’est-à-dire « démolir » les Lilas. « L’ARS nous propose 3 600 m2 encastrés sur deux niveaux et deux bâtiments, indique le Dr Brival [la reconstruction des Lilas prévoyait 5 000 m2, NDLR]. Les césariennes programmées et les IVG auraient lieu sur le bloc central. Impossible ! Le projet médical de Montreuil est différent du nôtre. Comment allons nous expliquer aux papas que désormais, ils ne pourront plus être présents au bloc ? ».
Christine Bouffard, 45 ans, est cadre sage-femme, à la tête d’un "commando" d’une vingtaine de consœurs. Elle a passé la moitié de sa vie aux Lilas. Membre du collectif, elle évoque un « mariage forcé ». « 40 % de nos parturientes viennent de loin pour notre projet médical. Pour une gamine enceinte, mettre les pieds dans une aussi grande structure que Montreuil n’est pas évident, croyez-moi ! ». Avec près de 29 000 naissances, le taux de natalité de Seine-Saint-Denis est le plus élevé de France métropolitaine.
Démenti de l’ARS.
Le Dr Brival n’est pas le seul praticien à tenir la dragée haute à l’ARS. La communauté médicale partage son refus de déménager à Montreuil. Le Dr Jean-Claude Haddad, président de la commission médicale d’établissement (CME) éprouve une « grande suspicion » à l’égard du projet de l’ARS. L’obstétricien dénonce des propositions architecturales « au coup par coup, sans concertation avec les personnels, ni des Lilas, ni de Montreuil ». « Le choix de l’ARS est d’autant plus étonnant que le pôle-enfant de Montreuil est remarquable de fonctionnalité », ajoute le médecin. Ouvert en 2012, le bâtiment de 12 000 m2 a coûté 58 millions d’euros de travaux et 6,3 millions d’euros d’équipements. Il est prévu pour accueillir 3 500 naissances par an.
Pour le Dr Brival, faire venir les Lilas permettrait de « rentabiliser un pôle qui coûte les yeux de la tête à l’État », au sein d’un hôpital en faillite (105 millions d’euros de dettes), administré par l’ARS. Aller à Montreuil, c’est courir le risque de « se faire ingurgiter, puis de disparaître », assure-t-elle. C’est une « fusion déguisée ». Contactée par « le Quotidien », l’ARS dément avec vigueur : « Jamais nous n’avons dit que l’on fermerait la maternité ». Une parole insuffisante pour les soignants. Le déménagement, c’est non. Non, non et non.
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