À nos cher(e)s, très cher(e)s député(e)s

Permettez-moi d’exprimer ici toute mon admiration aux trente-cinq preux chevaliers qui, d’un geste auguste et d’une seule main, ont repoussé cinquante mille gueux en blouse blanche ! Trente-cinq, pas un de plus, pour décider en leur vénérable sagesse, de l’avenir de deux cent mille forçats condamnés de fait au tiers-pénalisant et à la chaise informatique.

Mais où étaient donc les autres héros de notre République ? Les cinq cent quarante-deux autres ? Cette noble assemblée ne compte-t-elle pas cinq cent soixante-dix-sept membres honoraires ?

Honoraire ? Que dis-je ? Voilà un terme étrange. Indemnité serait bien plus approprié. Car nos ténors endimanchés ne connaissent pas le besoin, ni la valeur subtile du juste soin. En effet, leurs modestes indemnités tombent chaque jour sans même obligation de se présenter !

Il semblerait même que cet hémicycle de dignitaires ait un coût… modeste au demeurant : six cents millions d’euros par année (Cour des comptes) pour cinq cent soixante-dix-sept joueurs expérimentés. Soit un prix de revient annuel de un million d’euros chacun qu’il soit ailier droit ou ailier gauche, sur le terrain ou sous la douche. Soit tout de même deux mille huit cent cinquante euros journaliers chacun, sans les primes de match. Qui peut rivaliser ?

Mais voyons, pourquoi diable se déplacer pour ces insectes besogneux ? Qu’ils fassent donc comme les abeilles, travailler en silence, se laisser enfumer, confisquer gentiment les trois quarts de leur récolte, et surtout ne pas broncher aux attaques répétées des MST et autres parasites zélés.

Nous les infâmes, nous les sans-cœur, gardons-nous bien d’avoir le bourdon et disparaissons afin de voir si notre silence ne laisse pas un vide immense.