Faut-il étendre l’obligation vaccinale pour les médecins et les soignants ? La question ressurgit tous les ans à l’occasion de l’épidémie de grippe saisonnière. Elle est de nouveau au cœur de l’actualité, mais cette fois-ci à propos du Covid-19.
Dans un courrier envoyé à des professionnels de santé, repris par la presse, le Pr François Chast, ancien chef de service de la pharmacie de l’Hôpital Necker (AP-HP), et membre de l’Académie nationale de pharmacie dont il fût le président en 2010, a exhorté ses collègues soignants à se faire vacciner contre la maladie.
Alors que les infections Covid nosocomiales sont à l’origine de nombreux décès à l’hôpital, il regrette le manque d’engagement des soignants (34 % des personnels de l’AP-HP avaient reçu une première injection au 26 février). « C’est une mesure de protection simple pour nous et pour nos patients et qui a valeur d’exemplarité pour le grand public », argumente le Pr Chast qui plaide pour élargir au Covid l’obligation vaccinale des professionnels de santé.
« LE QUOTIDIEN » - Vous avez pris position en faveur de l’obligation vaccinale contre le Covid pour les soignants à l’hôpital. Pour quelles raisons ?
PR FRANÇOIS CHAST - On sait aujourd’hui que des gens meurent à l’hôpital d’infections Covid nosocomiales. C’est un vrai scandale. Nous avons aujourd’hui des vaccins efficaces qui présentent peu d’effets indésirables, et pourtant il y a des doses dans les frigos des hôpitaux qui ne trouvent pas preneur. Nous devons, comme personnel de santé responsable, nous imposer la vaccination à nous-mêmes et à nos collaborateurs. C’est un devoir vis-à-vis de nos patients. Je crois également qu’il y a une fonction d’exemplarité en termes de santé publique de la part des médecins et des autres professionnels.
Dans votre courrier, vous montrez un certain agacement à l’égard de vos collègues, très enclins à donner des leçons ?
Dans les échanges que j’ai avec de nombreux professionnels, beaucoup sont très critiques à l’égard des pouvoirs publics et sur la manière dont est menée la campagne de vaccination : le ministre de la Santé a tort de faire comme ça, le président de la République n’est pas à la hauteur, tel PDG d’un labo pharmaceutique est un incapable… Mais nous qu’avons-nous fait pour la vaccination dans nos hôpitaux ? Cessons de donner des leçons aux politiques. Prenons nos responsabilités et engageons-nous dans la vaccination. Si nous ne nous prenons pas en charge sur cette question, il faut que le ministre en tire les conséquences.
Interrogé sur le sujet il y a quelques mois, Olivier Véran a répondu qu’il fallait une loi pour l’imposer.
Il faut une loi pour imposer l’obligation vaccinale en population générale, mais il suffit d’un arrêté ministériel pour élargir la liste des vaccinations obligatoires pour les professionnels de santé. L’obligation vaccinale des soignants, ce n’est pas une nouveauté que j’ai tirée de mon chapeau. Ça existe en France avec la vaccination contre la diphtérie et le tétanos depuis la fin des années 40. La polio depuis la fin des années 50, l’hépatite B depuis la fin des années 80…
Comment expliquez-vous les réticences de la profession à l’égard de la vaccination ? Seulement 34 % des personnels de l’AP-HP ont reçu une première injection…
Je n’ai pas les moyens de dire de manière péremptoire pourquoi il y a ces réticences. Je pense qu’il y a eu un affichage un peu péjoratif du vaccin AstraZeneca qui est, de mon point de vue, totalement immérité. C’est un bon vaccin, efficace, qui ne présente pas plus d’effets indésirables que les autres.
Vous évoquez les conséquences judiciaires d’une multiplication des infections Covid à l’hôpital ?
En matière d’infection nosocomiale, c’est un risque reconnu par les tribunaux et qui est susceptible d’indemnisation soit dans un cadre administratif, avec la loi Kouchner d’indemnisation des accidents médicaux, soit dans un cadre pénal. On peut imaginer qu’il y aura des dépôts de plainte et que le juge en fonction de ce qu’il ressentira pourra trancher en faveur des victimes.
Vous-même, êtes-vous vacciné contre le Covid ?
J’ai eu mes 2 injections. Je me suis fait vacciner à l’Hôtel-Dieu, j’ai fait la queue avec d'autres soignants. La première injection a eu lieu le 15 janvier, la seconde le 9 février, avec le vaccin Pfizer, puisqu’à l’époque il n’y avait que ça. J’ai ressenti des douleurs au bras pendant 6 heures ! Mais je vous garantis que j’ai eu moins mal que quand je fais une randonnée en montagne !
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