Au delà des affrontements partisans, pro/anti-OGM, des enjeux économiques et politiques, Europe/USA, des égo des chercheurs et des conflits d’intérêts des industriels Monsanto, Auchan, Carrefour et des experts... Que retenir aujourd’hui de la controverse lancée par l’étude de Gilles-Éric Séralini ? (1) Retour sur une tempête tropicale dont l’épicentre situé à Caen est venu secouer, via le Nouvel Observateur, Paris, la France, puis l’Europe. Sans émouvoir grand monde Outre-Atlantique.
Une place grandissante.
En 2011, on est à 160 millions d’hectares de cultures transgéniques dans le monde, dites aussi biotechnologiques. Les OGM représentent donc déjà une surface équivalente à 10 % des terres cultivées. Et ce taux progresse à vive allure. Il a doublé depuis 2004 (2). Et le potentiel est énorme. « Depuis le début de leur commercialisation, en 1996, dans 29 pays, les OGM concernent potentiellement 1,25 milliard d’hectares: une surface de 25 % supérieure aux USA ou à la Chine » selon le Dr James (ISAAA) interviewé par C. Magdelaine (3). Résultat, leur place dans l’alimentation animale et humaine progresse. Elle est prépondérante aux USA pour le maïs, le soja…
En Europe, elle reste restreinte. Seuls deux OGM y sont autorisés : le maïs MON 810 (Monsanto) et la pomme de terre Amflora (Bayer). Néanmoins il y a déjà à 115 000 hectares de maïs OGM. Et bien que la France les rejette jusqu’ici, on retrouve leurs traces dans l’alimentation. D’où le décret (4) pris début 2012 venant réglementer l’étiquetage OGM en France (lire encadré).
Toxicité: une question non tranchée
Dans le débat qui agite aujourd’hui la communauté scientifique, deux points font l’unanimité. La sortie hyper médiatisée de l’étude (plus photos, film…) comme le traitement statistique des données (5) sont vivement critiqués. D’autres sont plus discutables. Exemples.
Le niveau de la revue (Food Chem Toxicol) témoignerait des faiblesses de l’étude... Mais la seule méta-analyse des essais sur les OGM mise en avant pour attester de leur sureté est parue dans la même revue (6).
Les rats Sprague Dawley sont naturellement sujets aux tumeurs. Ce sont pourtant les mêmes que ceux utilisés dans les essais d’autorisation de 90 jours, demandés et validés par les agences.
Le nombre de rats par groupe est trop faible. Tester sur 200 rats à la fois diverses concentrations de maïs K 603 avec ou sans Roundup était en effet un poil ambitieux ou irréaliste. En toxicologie, on préconise plutôt 50 rats par groupe. Mais on imagine aisément, vu le coût et le temps investi, que les auteurs aient voulu maximiser leurs chances de dépister un problème. Au risque de se retrouver avec des données délicates à interpréter. A la réserve près, à nouveau, que les essais pour autorisation ne comptent eux mêmes guère plus de 20 animaux par groupe. Résultat, leur non significativité (« tout va bien ») ne prouve rien vu leur manque de puissance (5). Bref, l’étude est imparfaite, voire pour certains déplorable. Mais celles validées par l’European Food Safety Authority (EFSA) aussi. Faut-il dès lors jeter le bébé avec l’eau du bain, comme le suggère le pré-rapport de l’EFSA ? (7)
OGM et cancer: le défi de l’épidémiologie environnementale
Si l’on pense que les américains ont fait office de cobaye et que l’on n’a jusqu’ici rien détecté, on peut dormir tranquille. Néanmoins, l’incidence des cancers flambe partout dans le monde. Et, au delà du vieillissement, les facteurs environnementaux pèsent dans la balance. Surpoids, alcool, tabac, pollution de l’air mais aussi de l’eau et sans doute des aliments sont autant de facteurs additifs voire synergiques, bien difficiles à contrôler. Et les OGM dans tout ça ? Ne mériteraient ils pas, comme l’auraient mérité l’amiante, le bisphénol A... d’être soigneusement expertisés ? Gérard Pascal, ex toxicologue de l’INRA et spécialiste des OGM, très critique sur la méthodologie de l’étude, reconnait lui-même que « l’ampleur des travaux du Pr Séralini est sans précédent ». Alors, peut-on s’arrêter là ? Ce n’est pas ce que pensent nombre de chercheurs (8).
Avec l’aide des nombreuses personnes appelées à l’aide pour y voir clair dans ce dossier touffu, à qui je dédicace ce papier.
(1) GE Séralini et al. Food Chem Toxicol 2012; 50: 4221-31
(2) L Roudart, INRA Paris-Grignon. Terres cultivées et terres cultivables dans le monde d’après les travaux de l’IIASA (www.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/copeiaaterres.pdf)
(3) http://www.notre-planete.info/actualites/actu_3358_cultures_OGM_monde.p…
(4) Décret n° 2012-128 du 30 janvier 2012
(5) http://images.math.cnrs.fr/Y-a-quelque-chose-qui-cloche-la.html
(6) C Snell Cet al. Food Chem Toxicol. 2012; 50 :1134-48
(7) EFSA Journal 2012;10:2910 [9 pp.] doi:10.2903/j.efsa.2012.2910
(8) Independent Science news, 2 Oct 2012
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