LE QUOTIDIEN - Pourquoi avez-vous décidé de convoquer des états généraux du sanitaire ? Comptez-vous y évoquer les failles de notre dispositif sanitaire, régulièrement dénoncées par les vétérinaires inspecteurs ?
BRUNO LE MAIRE - La France s’appuie sur un dispositif sanitaire performant. Mais vous savez que les risques augmentent. Les nouvelles menaces sanitaires, parfois exotiques, les avancées technologiques appellent l’adaptation constante de notre dispositif afin de répondre aux attentes. Je connais les inquiétudes des vétérinaires. Ils sont et demeureront au cur de notre dispositif. Toutefois, les producteurs doivent pouvoir prendre leurs responsabilités, comme le prévoit le « paquet hygiène » (ensemble des réglementations édictées par la Commission de Bruxelles, NDLR). La prévention et la réduction des risques passent par la généralisation de l’utilisation de guides de bonnes pratiques adaptés aux différents secteurs et aux différents risques. C’est pourquoi j’ai souhaité que se tiennent les états généraux du sanitaire, pendant lesquels se réunissent quatre groupes de travail composés de professionnels agricoles, d’experts scientifiques, et bien évidemment des vétérinaires. Ils remettront leurs propositions au printemps. C’est collectivement que nous ferons face aux aléas sanitaires et aux nouveaux risques.
Sur le plan phytosanitaire pensez-vous vraiment possible de réduire de 50 % d’ici à 2018 l’usage des pesticides ?
Les agriculteurs connaissent les attentes des citoyens. La réduction de l’usage des pesticides est une demande forte des citoyens. C’est pourquoi ils sont d’ores et déjà engagés dans la réduction de leur usage. L’INRA (Institut national de la recherche agronomique) a d’ailleurs récemment montré qu’une réduction de l’ordre de 30 % du recours aux pesticides est possible, avec des changements de pratiques substantiels, sans que le revenu des agriculteurs soit pénalisé. Nous y parviendrons à condition d’accompagner les agriculteurs, afin qu’ils ne soient pas les seuls à assumer le coût d’un choix souhaité par la société tout entière. C’est pourquoi Ecophyto 2018 prévoit la mise en place d’un réseau de 3 000 fermes références, d’expérimentation et de démonstration, permettant d’assurer la collecte et la diffusion de données sur les systèmes agricoles à bas intrants.
UN DISPOSITIF SANITAIRE À ADAPTER CONSTAMMENT
Après la recommandation du Haut Conseil des biotechnologies sur la définition des filières dites sans OGM, les moyens vont-ils être donnés aux opérateurs de produire « sans OGM »
?
C’est l’objectif que poursuit le gouvernement, puisque la loi sur les OGM de 2008 prévoit de donner à chacun la possibilité de produire et de consommer avec ou sans OGM. Un projet de décret définissant l’étiquetage des produits provenant des filières sans OGM est en cours d’élaboration. Il permettra à chacun, au consommateur comme au producteur, de choisir en toute connaissance de cause.
On reproche à votre plan contre les algues vertes d’être curatif et non préventif. Que faites-vous en effet des risques liés aux rejets agricoles de nitrates, principale cause reconnue de la prolifération des algues vertes ?
Le plan de lutte contre les algues vertes est à la fois curatif et préventif. Le volet curatif est indispensable : ramasser les algues et les traiter dès à présent, afin d’éviter le renouvellement d’accidents comme ceux survenus l’été dernier. Mais il faudra du temps pour éliminer les algues vertes alors que le problème est connu depuis 30 ans. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé d’un volet préventif. Il s’agit d’un effort majeur : 24 millions d’euros/an sur 5 ans permettront d’accompagner les agriculteurs vers des pratiques limitant fortement les fuites d’azote. Les acteurs des bassins à algues vertes seront invités à faire la transparence sur l’azote. Nous renforcerons donc les contrôles. Enfin, le plan prévoit de changer profondément les modes de production : nous favoriserons une agriculture très extensive pour restaurer les zones naturelles et nous encouragerons la méthanisation. Ce plan est ambitieux, car je n’imagine pas une Bretagne sans agriculteurs. Mais il faut les accompagner sur la durée afin de modifier des pratiques qui, ne l’oublions pas, ont assuré aussi pendant longtemps le développement de nos territoires.
Avec le délai de mise en uvre fixé à dix-huit mois avant l’interdiction de la pêche du thon rouge, ne risque-t-on pas d’attendre la fin de l’espèce pour agir ?
Il n’y a pas de doute à avoir sur la volonté du gouvernement de protéger l’espèce. Notre décision est équilibrée et respecte les engagements du président de la République, puisqu’elle se fonde sur les avis des scientifiques. Il est important, avant de prendre une mesure lourde pour 2 000 emplois en France, d’avoir l’avis des scientifiques qui réévalueront le stock cet automne. Ce délai est également nécessaire pour mettre en place le cadre européen qui permettra le maintien d’une pêche côtière du thon rouge. Je suis très attaché à cette pêche artisanale, présente en Atlantique comme en Méditerranée, car elle représente plus de 500 emplois directs et ne met pas en danger la reconstitution de la ressource. De ce point de vue, la proposition de la Commission de se limiter aux seuls 12 miles nautiques ne nous satisfait pas.
Globalement, la crise agricole, la plus importante de ces 30 dernières années, ne risque-t-elle pas de contraindre à ajourner l’application des objectifs du Grenelle de l’environnement au secteur agricole ?
Les agriculteurs et les pêcheurs le savent : il n’y a pas d’autre avenir que l’agriculture et la pêche durables. Ce sont les premiers à s’y être engagés pour améliorer les conditions de production, réduire l’utilisation des pesticides, prendre en compte le bien-être animal et surtout, assurer la sécurité sanitaire optimale au bénéfice des consommateurs. Le Grenelle de l’environnement sera respecté. Mais nous ne pourrons faire davantage de progrès vers le développement durable qu’en prenant mieux en compte les contraintes des agriculteurs. C’est pourquoi je travaille avec Jean-Louis Borloo pour qu’aucune norme environnementale supplémentaire ne soit décidée avant d’en avoir mesuré l’impact économique et social pour les producteurs. Il est enfin indispensable de travailler à une harmonisation européenne de ces règles, afin que les producteurs français ne souffrent pas de la concurrence de produits moins chers pour le consommateur, mais surtout moins respectueux de l’environnement.
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