Entre janvier et mai, le revirement de la France et des instances internationales sur la question du pass sanitaire est complet. Au balbutiement de la campagne de la vaccination anti-Covid, les autorités refusaient jusqu’à la discussion sur le sujet : « C’est un débat qui n’a pas lieu d’être et ce serait choquant, alors qu’on débute cette campagne de vaccination en Europe, qu’il y ait des droits plus importants pour certains que pour d’autres », déclarait le 17 janvier le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes Clément Beaune. L’Organisation mondiale de la santé justifiait de son côté ses réticences à l’égard d’un tel dispositif par « les inconnues critiques quant à l’efficacité de la vaccination (notamment sur la transmission et face aux variants) et la disponibilité limitée des vaccins ».
À l’heure du déconfinement, le pass sanitaire est désormais une réalité. « Papier ou numérique (par l’application TousAntiCovid) », il devra être obligatoire « pour pénétrer dans des lieux où se brassent les foules, comme les stades, festivals, foires ou expositions », à partir du 9 juin, a annoncé Emmanuel Macron. Il le sera encore au 30 juin pour accéder à des événements rassemblant plus de 1 000 personnes. En revanche, il ne sera pas nécessaire pour fréquenter « les lieux de la vie de tous les jours » (restaurants, théâtres, cinémas, etc.), a précisé le président de la République le 29 avril. Le même jour, le Premier ministre saisissait le Conseil scientifique sur le principe du pass sanitaire et les conditions de son utilisation.
Dispositif temporaire et transitoire
« Le Conseil scientifique estime que le pass sanitaire, utilisé de manière temporaire et exceptionnelle, peut permettre à la population une forme de retour à la vie normale en minimisant les risques de contamination par le virus », estime l’instance en conclusion de son avis.
Le pass sanitaire devrait permettre de réduire le risque de contamination de façon significative, même si cela reste à démontrer par des études scientifiques et bien qu’il soit impossible de garantir un risque zéro, est-il considéré. En revanche, le recours doit être limité en termes de durée et d’ampleur, car il repose sur des données personnelles relatives à l’état de santé. Un usage proportionné serait de le restreindre aux seuls événements rassemblant un nombre important de personnes, comme les concerts, les compétitions sportives, les salons professionnels ou l’accès aux parcs de loisirs.
Débats autour des éléments de preuve
Selon le Conseil présidé par Jean-François Delfraissy, les informations prises en compte dans le pass sanitaire devraient être cohérentes avec celles du certificat sanitaire européen, encore inconnues. Le conseil préconise que soient considérés comme des éléments de preuves : un certificat de vaccination (deux semaines après la deuxième injection pour les vaccins à deux doses, quatre semaines après la dose de Johnson & Johnson), ou un test virologique (RT-PCR ou antigénique) négatif réalisé dans un délai de moins de 48 heures, ou la preuve (test virologique) d’un épisode d’infection à Covid de moins de six mois. Pour les mineurs, le pass reposerait sur un test virologique négatif de moins de 48 heures. Et le Conseil de préciser que ce dispositif ne dispense pas du port du masque ni d’une ventilation suffisante des lieux clos, puisque certaines personnes, même pourvues d’un test virologique négatif, pourraient être contagieuses au moment de l’événement.
À front renversé, l’Académie nationale de médecine prône un « pass (strictement) vaccinal », qui reposerait uniquement sur « la preuve d’une vaccination complète ou en cours (dès le 15e jour après la première dose) ». « Par leur caractère incertain ou éphémère, les données d’anamnèse et les tests, virologiques ou sérologiques, ne peuvent fournir les garanties souhaitables », explique l’Académie.
Au passage, elle compte sur un effet incitatif d’un tel pass pour convaincre les indécis à se faire vacciner… Alors que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) considère justement qu’il faut écarter toute assimilation du certificat à une obligation vaccinale, en permettant de faire valoir d’autres modes de preuves. Une ligne que semble suivre le gouvernement : « Le pass sanitaire n’est pas discriminant car ce n’est pas un pass vaccinal », a déclaré Cédric O, secrétaire d’État au numérique.
Le débat devrait ressurgir à la faveur d’une discussion devant le Parlement courant mai et au niveau européen. Si les eurodéputés ont bien acté la création d’un certificat européen Covid-19 le 29 avril, plusieurs points de divergence restent à trancher devant le Conseil européen comme la possibilité ou non pour les pays d’imposer des mesures de restrictions supplémentaires à l’entrée sur leur sol, la gratuité des tests ou la définition des vaccins reconnus par le dispositif.
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