Combien de patients ont-ils été euthanasiés en Belgique ? Quel était leur état de santé au moment de faire ce choix ? Comment ont-ils été euthanasiés ?... Un rapport de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie lève le voile sur la réalité de cette pratique en Belgique, depuis sa dépénalisation en 2002. Ce document apporte un éclairage sur cette question alors que la France est en plein débat pour faire évoluer sa législation sur la fin de vie.
En 2022, 2 966 euthanasies ont été enregistrées en Belgique (50,4 % d'hommes, 49,6 % de femmes). Elles représentent 2,5 % de la totalité des décès dans le pays (contre 2,4 % en 2021). Leur nombre a augmenté de près de 10 % par rapport à l’année précédente et de 26 % depuis 2018, avant l’épidémie de Covid. Faut-il pour autant parler d’une dérive inflationniste ou d’une banalisation de la pratique ? « Il y a eu une progression régulière ces dernières années, sauf durant la période de Covid pendant laquelle les demandes ont ralenti. Cela traduit surtout le fait que la population est de mieux en mieux informée à ce sujet », relativise le Pr Didier Giet pour qui « il y a eu une prise de conscience qu’il y a une liberté de choisir, une possibilité de mourir dans les conditions que l’on décide, si ça répond aux critères de la loi ».
Le généraliste, également enseignant, siège à la commission qui contrôle a posteriori la conformité des euthanasies enregistrées. Selon lui, le nombre d’actes non déclarés est marginal. « Une étude réalisée en Flandre montre que seulement 1 % des médecins qui ont eu recours à des produits utilisés dans le cadre d’euthanasies n’ont pas déclaré leur acte », précise-t-il.
Ce n’est jamais un geste banalisé, insiste le Pr Giet. « Comme praticien, je peux vous dire qu’il y a parfois des gens qui viennent me voir pour en bénéficier mais je refuse leur demande parce que je la considère comme non recevable après l’avoir analysée », témoigne-t-il.
Une pratique qui concerne surtout les plus de 70 ans
Si de nombreux opposants à l’euthanasie redoutent des dérives, ce n’est pas ce que reflètent les chiffres rendus publics par la commission. En 2022, aucun mineur n’a fait l’objet d’une euthanasie, alors que la loi l’autorise depuis 2014. Cet acte concerne avant tout les personnes de plus de 70 ans, qui constituent 69,9 % des demandes et plus particulièrement la tranche d’âge entre 80 et 89 ans, la plus représentée (29,2 %). Seulement huit personnes de moins de 29 ans (soit 0,3 % du total) ont vu leur demande d’euthanasie aboutir l’année dernière.
Dans la grande majorité des cas (87,2 % en 2022), les médecins estimaient que le décès de leur patient « était prévisible à brève échéance », c’est-à-dire, selon la loi belge, « dans les mois qui viennent ». Le cancer est l’affection la plus représentée chez les requérants à l’euthanasie (59,9 %) en 2022. « Il s’agissait surtout de tumeurs malignes des organes digestifs, respiratoires, du sein et des organes génitaux », signale la commission belge. Dans près d’un cas sur cinq, les patients étaient atteints de plusieurs pathologies chroniques.
Affections psychiatriques et maladie d’Alzheimer
Les euthanasies pour des affections psychiatriques comme des troubles de la personnalité sont très rares et représentent seulement 0,9 % des demandes. Idem pour les troubles cognitifs comme la maladie d’Alzheimer (1,4 %). Les craintes de dérive autour de ces pathologies ne semblent donc pas fondées. D’autant plus que la loi prévoit un garde-fou lorsque la maladie n’est pas censée provoquer un décès à brève échéance. « Il y a une procédure supplémentaire, précise le Pr Giet. Il faut au minimum un mois entre la demande du patient et le geste, et il faut demander l’avis de deux médecins supplémentaires, un psychiatre et un spécialiste de la pathologie. »
Le recours à l’euthanasie intervient toujours dans un contexte où le malade souffre physiquement ou psychiquement, voire simultanément comme c’est le plus souvent le cas (72,4 %). « Ces souffrances étaient toujours la conséquence d’une ou plusieurs affections graves et incurables », indique la commission.
Euthanasie à domicile dans un cas sur deux
En 2022, moins d’un tiers des euthanasies ont été pratiquées dans les hôpitaux et les unités de soins palliatifs, un chiffre stable au fil des ans. Le nombre d’euthanasies réalisées à domicile a légèrement diminué pour atteindre 50,5 % en 2022 alors que celles pratiquées dans les maisons de repos a augmenté (16,4 %). Dans plus de 90 % des cas, les médecins ont eu recours à un produit anesthésique d’action rapide injecté en intraveineuse (thiopental, propofol) associé ou non à un paralysant neuromusculaire.
« Certains opposent les soins palliatifs à l’euthanasie. Ce ne sont pas du tout des gestes opposés l’un à l’autre, assure le Pr Giet. On a parfois des gens qui bénéficient de soins palliatifs et qui à un moment disent : "Ça suffit, je sens que la bataille est perdue. Je ne veux plus aller plus loin." Parfois, c’est le contraire, un patient demande une euthanasie avant d’avoir des soins palliatifs. Et tout se passe bien, il ne demande jamais que l’on accélère sa disparition. C'est toujours à l’appréciation du patient et il peut renoncer jusqu’à la dernière seconde qui précède l’injection. »
Comment perçoit-il le débat français autour de l’euthanasie ? « Il y a des choses assez ahurissantes qui sont dites, répond le généraliste. Par exemple que, en Belgique, lorsqu’on en a assez de vivre, il suffit de demander l’euthanasie, on l’obtient. C’est très loin de la vérité. »
Il rappelle également que ses confrères ont le droit de refuser de pratiquer « ce dernier soin », selon ses mots, à condition d’orienter le patient vers un autre praticien. Il n’y a pas de raison que la situation évolue différemment en France, anticipe le Pr Giet. « Je suis convaincu qu’il n’y aura aucun médecin qui sera obligé de provoquer la mort s’il ne le veut pas », estime le praticien belge.
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