L'audition du Pr Didier Raoult à l'Assemblée nationale, le 24 juin dernier, dans le cadre de la commission d'enquête sur la gestion du Covid-19, et ses attaques à l'encontre des instances officielles, ne sont pas restées lettre morte.
Le Conseil scientifique et la Haute Autorité de santé (HAS), dans deux courriers distincts aux députés, contestent les propos du directeur de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, l'accusant notamment d'entretenir la confusion entre liens et conflits d'intérêts.
Confusion entre liens et conflits d'intérêts
Dans son courrier daté du 30 juin adressé à la présidente de la commission et à son rapporteur, Brigitte Bourguignon et Éric Ciotti, ainsi qu'à Richard Ferrand, président de l'Assemblée, le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, reproche au Pr Raoult une « certaine forme "d'intention de tromper" les députés de la Commission en entreten(ant) de manière répétée une confusion entre les notions pourtant bien distinctes de liens et de conflits d'intérêts ».
Certains membres du Conseil ont bien des liens d'intérêts avec « des entreprises du médicament », écrit-il, en rappelant que cela fait l'objet de déclarations publiques. Mais cela s'explique par leur participation « à des activités de recherche ayant pour objectif l'innovation thérapeutique, par exemple sur l'hépatite C, Ebola ou les virus grippaux », fait-il valoir.
« Les membres du Conseil scientifique souhaitent vous faire part de leur vive réprobation à l'endroit d'allégations sans fondement tenues par le Pr Raoult pourtant sous serment, ainsi que de propos manifestement outranciers dont les intentions et les prétentions ne lui semblent plus guère relever du registre de la science », conclut la lettre signée par 12 des 13 membres du Conseil scientifique (dont le Pr Raoult avait brièvement fait partie début mars).
Une calomnie, selon la HAS
« Affirmer devant la représentation nationale, de manière vague et non étayée, que la HAS est soumise à "des conflits d’intérêts très sérieux", relève de la calomnie », écrit de son côté, la présidente de la Haute Autorité, la Pr Dominique Le Guludec, dans un courrier daté du 1er juillet et adressé à Richard Ferrand.
« Je ne saurais accepter que la réputation de la Haute Autorité de santé, son sérieux et son intégrité soient remis en cause avec une telle légèreté à l'occasion d'un moment aussi important qu'une audition par les parlementaires », conclut-elle.
Faux témoignage, selon l'AP-HP
Le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, va jusqu'à accuser le Pr Raoult de « faux témoignage » dans un troisième courrier du 26 juin à Richard Ferrand consulté par l'AFP.
Le DG de l'AP-HP conteste deux passages de l'audition de l'infectiologue : d'une part, une estimation des taux de décès de malades en réanimation, et de l'autre, des propos sur un patient chinois de 80 ans hospitalisé à Paris fin janvier et décédé mi-février (première mort du Covid-19 officiellement enregistrée hors d'Asie).
« Ces déclarations, qui mettent gravement en cause l'AP-HP, faites sous serment, me semblent s'apparenter à un faux témoignage », accuse Martin Hirsch.
« On ne va pas réagir à des polémiques. S'il y a des questions précises, nous nous ferons un plaisir d'apporter des éléments sur ce que nous avons affirmé », a commenté l'entourage de Didier Raoult, sollicité par l'AFP.
D'éventuelles procédures basées sur ces accusations ne peuvent être exercées qu'à la requête de la présidente de la commission ou, lorsque le rapport de la commission aura été publié, du Bureau de l'Assemblée.
Avec AFP
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