Un débat qui ne change rien

À quoi bon ?

Publié le 28/01/2010
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Crédit photo : AFP

LES INTERLOCUTEURS du président étaient venus parler de leur cas spécifique. Le chef de l’État leur a répondu en termes macro-économiques. Face à une personne qui soulignait que son employeur refusait d’utiliser les heures supplémentaires, M. Sarkozy, de guerre lasse, lui a répondu qu’il se rendrait sur son site de travail pour convaincre son patron. Il aurait même pu promettre de s’occuper du retraité qui n’a pour vivre que 400 euros par mois ou de cet enseignant particulièrement affable et respectueux qui n’est toujours pas titularisé. Ou encore de ce chef d’entreprise qui n’obtient pas de crédit. Mais on ne change pas le destin d’une nation en se concentrant sur des cas personnels. Les réponses du président s’appuyaient sur la nature de sa politique et sociale et offraiœnt théoriquement des solutions plus vastes qui finiraient par les concerner. Démonstration impossible.

Artifices.

Alors, au bout de l’exercice, qu’est-ce qu’on a ? Des personnes qui ne seront convaincues que lorsqu’elles verront le bout du tunnel, comme cette bac+5 qui n’a toujours pas d’emploi. Un président qui continue de soutenir Henri Proglio, bête noire des smicards, et qui s’accroche à sa philosophie économique : quand on lui demande ce qu’il va faire pour les centaines de milliers de chômeurs parvenus en fin de droits, il répond qu’il n’encouragera sûrement pas l’assistanat et que le chômage va décroître dès cette année en France, encore une promesse qui risque de ne pas être tenue. Des interrogateurs sceptiques. Une majorité qui, comme « le Figaro », découvre un président tout neuf et resplendissant. Des syndicats qui ne croient pas ce qu’il dit. Une opposition qui fait feu feu de tout bois et dénonce chacun des propos qu’il a tenus. On a même convoqué sur les ondes des psychiatres et des sociologues. L’un d’eux a réussi à utiliser, dans sa première phase, cinq images ou allégories pour railler le comportement présidentiel et la construction de l’émission qui se voulait si originale, même si ce n’est pas la première fois qu’un chef d’État s’adresse directement à des concitoyens. Il ne s’agit pas de dire que face à la crise, il n’existe aucune politique et sociale. Il s’agit de constater que les artifices médiatiques ne changent rien au sort du peuple.

CE N’EST PAS PAR LE BIAIS DES MÉDIAS QUE SARKOZY AMÉLIORERA SON IMAGE, MAIS PAR DE MEILLEURS RÉSULTATS

M. Sarkozy connaît parfaitement ses dossiers, c’est le premier constat qu’il faut faire. Il s’exprime clairement et simplement. Il n’a pas voulu botter en touche quand il a eu de vifs échanges avec un syndicaliste venu non pour l’entendre mais pour se faire entendre, ce qui était son droit, que M. Sarkozy, qui a su, pour une fois, se contenir, ne lui a guère contesté. Il y a même eu un instant de vérité quand il a opposé aux idées de Pierre Le Menahes, le syndicaliste, son propre credo libéral, hors duquel il ne voit point de salut. S’il a été imprudent en annonçant une baisse du chômage dès cette année, il a établi le cadre dans lequel il ferait la réforme des retraites. Pas de baisse des prestations (« Les retraites sont (déjà) trop faibles »), pas de retraite par capitalisation pour remplacer le système solidaire. Mais peut-être une hausse des cotisations ? Il n’a été ni creux ni nerveux ni scandaleux. La France ne va pas bien. Il est au mieux de sa forme.

Ses interlocuteurs étaient éminemment respectables. Grâce à eux, on était au cœur de la France profonde, avec sa diversité et des cas particuliers qui témoignaient de centaines de milliers d’autres cas. C’était une bonne émission. L’opposition n’a pas tardé à le prendre en défaut, notamment pour sa prophétie au sujet du chômage. Ce qui est lassant, ce n’est pas le format du programme. C’est que, en définitive, tout le monde était prévisible, Sarkozy, Pierre Le Menahes, la droite et la gauche. Et que tout ce tohu-bohu plaqué sur une crise effrayante ne change rien à rien. M. Sarkozy cherche à obtenir un regain de popularité dans une conjoncture où celle-ci diminue tous les jours. La meilleure stratégie ne consiste pas à dorer son image. Elle consiste à produire des résultats qui allègeront les souffrances des chômeurs et des pauvres.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8696