Victoire républicaine dans le Massachusetts

Revers sérieux pour Obama

Publié le 21/01/2010
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Crédit photo : AFP

C’EST UN COUP TRÈS DUR. Il s’agissait de pourvoir le siège laissé vacant par la mort du sénateur Ted Kennedy, l’homme politique qui a le plus œuvré pour l’adoption de l’assurance-maladie universelle aux États-Unis. Le Massachusetts était démocrate depuis près de 50 ans. Personne ne pouvait imaginer, jusqu’à la dernière semaine de publication des sondages, lorsque l’avance de M. Brown apparaissait nettement, que le Massachusetts pouvait élire un républicain. Or le scrutin du 19 janvier ne témoigne pas seulement d’une certaine méfiance à l’égard du président Obama, il indique le rejet de l’électorat américain de la réforme de l’assurance-maladie qui a besoin d’encore un vote solennel du Congrès pour entrer en vigueur.

Le camp démocrate ne perd pas la majorité. Il perd seulement la voix qui aurait permis à l’exécutif d’obtenir rapidement l’approbation des élus sans risque de filibustering, une technique parlementaire qui permet aux représentants de prendre indéfiniment la parole jusqu’à ce qu’il soit mis fin sans vote au débat. Le risque est donc grand que la procrastination des républicains annule purement et simplement une des réformes sur le projet desquelles Barack Obama a été élu.

Comment faire ?

Mais, à la veille du vote dans le Massaschusetts, le président ne se faisait plus aucune illusion sur ses chances de l’emporter dans cet État. Il est possible que le choix de Mme Coakley n’ait pas été le bon. Il fallait, pour un enjeu aussi grave, un candidat particulièrement charismatique. Il est impossible d’ignorer le fait qu’une majorité d’électeurs est hostile à la réforme de l’assurance-maladie et que M. Obama doit légiférer contre la volonté populaire.

Chef de la majorité démocrate à la chambre des représentants, Nancy Pelosi a déclaré avant le scrutin du Massachusetts que, « quoi qu’il arrive, nous aurons une assurance-maladie de qualité abordable pour tous les Américains et cela très bientôt ». Comment les démocrates vont-ils procéder ? En allant vite. Il faut au moins dix jours pour que la loi promulgant la victoire de Scott Brown entre en vigueur. Dans cette brève période, les républicains ne disposeront pas de la minorité de blocage. Mais cette manœuvre ne rendra-t-elle pas le scrutin illégitime ? Une autre solution consisterait à adopter à la chambre la version sénatoriale de la réforme, texte plus consensuel mais dont les changements sont moins profonds que le texte de la chambre. Le système de santé américain exige pourtant plus qu’une réformette.

À HAITI, L’AMÉRIQUE VEUT MONTRER SON VISAGE LE PLUS PACIFIQUE

S’il est naïf ou superficiel de relativiser l’ampleur de la défaite de la Maison Blanche, il faut quand même attendre quelques jours pour savoir si ce qui restera de la réforme de l’assurance-maladie, projet beaucoup plus politique que social en définitive, est suffisant. S’il est vrai que le bilan de la première année de M. Obama est relativement décevant (le 20 janvier était l’anniversaire de son entrée en fonction), Il a encore trois ans pour faire ses preuves. Son comportement personnel et celui de l’Amérique immédiatement après le séisme qui a dévasté Haïti ont été exemplaires, même s’il a donné lieu en France aux jérémiades habituelles sur la façon dont les Américains ont pris possession des lieux sinistrés, sans accorder aux ONG françaises la part qu’elle méritaient. L’Élysée et le Quai d’Orsay se sont empressés de minimiser les déclarations assez amères d’Alain Joyandet, ministre de la Coopération, qui se plaignait de ce que des vols organisés par des ONG françaises fussent détournés.

D’où vient le salut.

Il est incontestable que les Américains, malgré de lourds revers, continuent à ne pas douter de leur puissance et se sont conduits en Haïti comme en terrain conquis. Mais l’urgence exigeait qu’ils passent outre aux susceptibilités nationales parce qu’il est non moins incontestable que la puissance de leurs moyens est incomparable. Certes, il y a un grain de cynisme à tirer un avantage politique de la souffrance des Haïtiens. Ils sont cependant les premiers à réclamer un soulagement aussi rapide que possible. En outre, les Américains ont fait un tri sélectif inspiré par la seule sécurité. Ce sont quand même eux qui ont aménagé une seconde piste à l’aéroport de Port-au-Prince.

Sans le dire, Obama a saisi l’occasion de montrer, par l’exemple d’Haïti, la pertinence de son programme : les États-Unis ne sont plus une puissance inquiétante mais celle qui peut rassurer les peuples. Ce n’est pas, comme on l’a dit parce que quelques centaines de milliers d’Haïtiens vivent sur leur territoire, mais parce que les sinistrés eux-mêmes ont cru, en cet instant d’immense souffrance, à la capacité curative de l’Amérique. L’homme qui a hérité de deux guerres a besoin de justifier son prix Nobel de la paix. Il veut montrer aussi à l’Amérique latine que son pays est un partenaire indispensable. Que ferait le Vénézuéla d’Hugo Chavez, pays à séismes, si une catastrophe naturelle se produisait ? Chavez, ou Castro, peuvent dire tous les jours le mal qu’ils pensent de l’Amérique, mais ils savent qu’en cas de malheur, le seul salut viendra de l’Amérique d’Obama.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8692