RICHARD MILLET avait tenté, jusqu’à la dernière minute, d’échapper à la sanction qui le frappe, notamment en publiant dans « L’Express » de la semaine dernière une tribune intitulée « Pourquoi me tuez-vous ? ». Dans son « Éloge de Breivik », il a le front d’affirmer que « Breivik est sans doute ce que méritait la Norvège », « enfant de la ruine familiale autant que de la fracture idéologico-raciale que l’immigration extra-européenne a introduite en Europe depuis une vingtaine d’années ». On renonce à qualifier la virulence de ses assauts contre les minorités, noire ou arabe, la suffocation qui le saisit quand il prend le métro et se mêle aux immigrés ou à leurs descendants, sa haine manifeste pour tout ce qui ne ressemble pas à l’homme blanc et européen. On trouvera donc dans ce qu’il écrit l’éternelle confusion conduisant des esprits qui se croient logiques à préconiser contre le terrorisme un remède aussi dangereux que le mal, même s’il prend le soin de dire par ailleurs qu’il n’approuve pas l’acte hideux de Breivik. Si sa carrière littéraire ne l’a pas hissé au sommet, il est considéré comme un excellent éditeur. C’est lui qui a publié John Littell et Alexis Jenni, prix Goncourt 2006 et 2011. En d’autres termes, il n’est pas Céline et ne peut donc pas donner à ses vitupérations la protection relative que confère un talent insigne, mais il n’est pas non plus une quantité négligeable dans le domaine littéraire.
Breivik est indéfendable.
Ses propos sont évidemment scandaleux. Le crime d’Anders Breivik échappe à toutes les catégories de la violence. Il ne s’est pas contenté d’assassiner froidement 77 personnes, pour la plupart des adolescents du parti travailliste norvégien, il a voulu porter un coup historique à la démocratie norvégienne en tentant de déstabiliser la société par un crime de masse. C’est miracle qu’il ait été condamné, car quelques experts l’ont jugé psychiquement malade. Les Norvégiens ont réagi à ce deuil immense par une dignité exemplaire, d’abord en mettant en place une procédure policière et judiciaire exemplaire, ensuite en ignorant les provocations auxquelles Breivik s’est livré pendant son long procés de l’été écoulé. Le monstre a été battu par le peuple qui a réaffirmé son choix du multiculturalisme.
L’INTELLIGENCE AU SERVICE D’UN MONSTRE
C’est sans doute la défaite de Breivik qui l’a conduit à en faire l’éloge. Il a trouvé dans ses motivations des sentiments qu’il partage. D’où un livre qui, pour mieux combattre les dérives de la violence sectaire aboutit en faire l’apologie. En défendant la monstruosité de Breivik, Richard Millet lui a donc donné un regrettable prolongement, comme s’il souhaitait que l’assassin soit imité. Il y a des mots qui tuent et M. Millet en écrit. Il a aussi déclenché l’indignation de très nombreux auteurs et humanistes de tout bord. Dans « le Monde », 120 signatures ont accompagné une attaque contre Millet signée par l’écrivaine Annie Ernaux. Et Jean-Marie Le Clézio, l’a descendu en flammes dans « le Nouvel Observateur » du 7 septembre. Cette levée de boucliers s’adressait à Gallimard, dont le P-DG a été finalement conduit à écrire à M. Millet une lettre dans laquelle il lui explique que son « appartenance au comité de lecture implique une forme de solidarité ». « Je ne saurais approuver aucune de vos thèses politiques, écrit Antoine Gallimard. Cette position ne m’est pas personnelle, c’est celle de la maison depuis toujours ».
M. Millet n’est pas licencié, il continuera de s’occuper des auteurs dont il a la charge. Il n’en est pas moins outré par la mesure prise contre lui et déclare avec grandiloquence que « c’est la littérature qu’on cherche à atteindre à travers moi ». En réalité, on cherche à écarter le danger qu’il fait courir à la société française si son fameux « Éloge » devenait le credo d’un groupe de plus en plus large. Il est consternant que l’intelligence produise des analyses comme celles de M. Millet. Il est consternant que, de mois en moins souvent, on sache dire des choses simples et lucides qui ne témoignent d’aucune sophistication de l’esprit, par exemple que 77 assassinats commis de sang-froid sont, quels que soient les idées de l’assassin, un malheur pour l’espèce humaine.
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