LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN – Qu’est-ce qui sous-tend fondamentalement l’histoire de la cystoscopie ?
Dr ÉTIENNE CUENANT – L’endoscopie urinaire est marquée par trois grandes étapes qui s’enchaînent de façon cohérente et qui correspondent chacune à une avancée significative de la pratique. Il s’agit dans un premier temps d’essayer d’aller voir, puis d’explorer et de comprendre et enfin d’opérer. La volonté d’éclairer l’intérieur de l’urètre existe depuis la nuit des temps et la bougie a été la première source de lumière à y pénétrer. Cette idée très ancienne de rentrer dans un urètre est même née avant celle d’y regarder et est liée à la volonté de pouvoir palper les calculs. De plus, beaucoup de gens avaient besoin d’être dilatés en raison des rétrécissements urétraux dont la blennorragie était grande pourvoyeuse.
À quels moments peut-on parler de tournants ?
Il y a une première véritable révolution à partir du moment où l’on arrive enfin à voir. En 1865, Antonin-Jean Desormeaux présente un appareil compliqué qu’il a mis au point et qui permet grâce à un système de prismes avec une source de lumière latérale d’éclairer le tube dans lequel on regarde. Pour l’anecdote, ce qui est considéré comme le premier endoscope a été refait à l’identique par Jean De Laval et présenté lors du dernier congrès de l’AFU. Le constat est que la visibilité y est tout de même très restreinte. Mais l’ancêtre de l’endoscope moderne arrive certainement vers 1880 avec celui pensé par Max Nitze et fabriqué par Josef Leiter qui possède à son extrémité un fil de platine porté à incandescence. Un peu plus tard, ce système est perfectionné et la source de lumière remplacée par une lampe d’Edison miniaturisée. On y voit enfin correctement et l’on peut ainsi commencer à explorer pleinement l’appareil urinaire. Un autre tournant fondamental s’opère ensuite en 1897 lorsque Joaquin Albarran, élève de Félix Guyon, a une idée simple et géniale : introduire dans l’appareil une petite plaque de métal actionnée par une molette qui permet de faire basculer la sonde vers le bas et d’ainsi pouvoir la diriger. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’onglet d’Albarran est une révolution majeure dans l’histoire de l’endoscopie et de l’urologie. Les découvertes de la discipline ont en effet remonté le cours de l’urine.
Est-ce le début de « l’ère moderne » de l’endoscopie ?
Absolument. D’autant qu’à peu près à la même époque, Wilhelm Röntgen découvre les rayons X, ce qui lui vaut le prix Nobel en 1901. On peut dès lors coupler l’imagerie et l’exploration en injectant des produits de contraste et enfin atteindre le haut appareil urinaire. À partir des années 1950-1960, on abandonne les ampoules à l’extrémité des optiques pour les remplacer par des fibres en verre mises au point par Van Heel et Hopkins. La source de lumière qui passe désormais à l’intérieur de la fibre, et non de manière latérale, permet d’avoir une bien meilleure visibilité. Le dernier apport significatif est celui de l’introduction des fibres souples, d’abord utilisées par les gastroentérologues. La fibroscopie souple est maintenant la technique utilisée par tous les urologues depuis 1990.
L’endoscopie opératoire a-t-elle suivi les mêmes voies ?
Le premier appareil apparu dans l’histoire de l’endoscopie opératoire est le Punch en 1848. Cette gaine extérieure biseautée dans laquelle on rentre une autre gaine munie d’une gorge coupante pour emprisonner le tissu a beaucoup été utilisée aux États-Unis à partir de 1880, lorsque l’on commençait à y voir mieux grâce à Nitze. Mais ce qui va véritablement marquer le début de la résection, c’est l’appareil mis au point en 1910 par Mc Carthy et doté d’une anse coupante actionnée par une molette sur crémaillère. C’est d’ailleurs l’ancêtre du résecteur actuel. Ensuite, au fil du temps, les améliorations vont être constantes avec toutefois quelques sauts qualitatifs remarquables. C’est par exemple le cas avec le résecteur d’Iglesias dont la particularité d’être à double courant permet de multiplier par dix la visibilité et d’organiser des résections sous moins grande pression. L’urétéroscopie s’est quant à elle développée dès que l’on a commencé à mettre des fibres optiques dans l’endoscope. L’urétéroscope télescopique de Jean-Romain Gautier a permis de diminuer le calibre de l’urétéroscope à son extrémité pénétrante et ainsi faciliter l’approche et le traitement des calculs de l’uretère. Les mêmes fibres optiques ont permis le développement de la fibroscopie souple, d’abord à destinée vésicale puis, aujourd’hui, urétérale.
L’histoire de l’endoscopie et celle de l’urologie sont donc étroitement liées ?
L’urologie est sans conteste l’une des disciplines médicales qui a le mieux utilisé l’endoscopie. Pour preuve, à l’arrivée de la cœliochirurgie, les urologues avaient déjà une « longueur endoscopique » d’avance s’en sont aisément emparé. C’est parce que nos anciens n’ont rien lâché sur la partie exploratoire de la pratique urologique que les générations suivantes ont pu faire progresser l’endoscopie opératoire.
Propos recueillis par Nicolas Voline.
* Président de la Société montpelliéraine d’histoire de la médecine.
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