EN CHARENTE-MARITIME comme en Vendée, les CUMP ont été activées dès dimanche par les préfets, dans le cadre des plans rouges départementaux. « Pour le premier jour, nous n’avons pu intervenir qu’à Port-des-Barques, auprès des réfugiés installés à la mairie, raconte le Dr Jackie Leseigneur, médecin coordinateur de la cellule. Le lendemain, nous avons envoyé des équipes sur les îles de Ré et d’Oléron. Mais faute de 4x4, nous avons dû patienter jusqu’à mercredi après-midi pour accéder à la commune de Charron, sur l’anse de la baie de l’Aiguillon, où beaucoup de patients étaient en situation de détresse. » Très compliqué en raison de l’isolement de certaines familles, le travail de repérage est rendu encore plus problématique par les difficultés logistiques qui persistent. Or, souligne la psychiatre, « à J+5, nous ne sommes plus dans la phase aiguë de catastrophe, mais dans la période de latence qui va durer trois semaines. Une période sous tension. C’est maintenant que les gens, après l’hyperactivité des premiers jours, confrontés aux deuils et aux pertes matérielles, sont en train de craquer. »
Période de latence.
« Pendant ces quelques semaines, se joue tout l’intérêt de la prise en charge psychotraumatique précoce, confirme le Dr Yves Bescond, coordinateur pour la Vendée, avant que n’apparaissent d’autres tableaux séquellaires, comme la dépression. » Selon une enquête OMS, durant la période de latence consécutive à une catastrophe, on pourrait enregistrer 15 fois plus de TS (tentatives de suicide) que dans la population générale (« le Quotidien » du 2 décembre 2008).
Les stratégies d’intervention psychothérapeutique post-immédiate (IPPI) s’appuient principalement sur les débriefings. « Il faut faire relater les faits par le patient, pour qu’il apporte sur des événements inhumains sa marque d’humanisation personnelle, explique le Dr Leseigneur. L’accent doit être mis sur les points positifs forts : comment, malgré toutes les difficultés, la personne a réussi à s’en sortir. Il faut aussi prêter attention à des émotions anciennes, comme des anciens deuils qui risquent de revenir à la surface et d’entraîner des phantasmes morbides. » En Charente-Maritime, aucune hospitalisation de blessé psychique n’avait été nécessaire mercredi, alors qu’on en avait compté quatre dans le même temps en Vendée. « Dans l’ensemble, les gens ne sont pas demandeurs de prescription, note le Dr Leseigneur. Nous nous en tenons à des anxiolytiques, ainsi qu’à des hypnotiques lorsqu’il y a des symptômes de cauchemars et des pertes de repères associées à une hyper-vigilance. »
Chaque cellule fonctionne avec deux médecins, ainsi qu’une dizaine d’infirmiers psychiatriques et de psychologues. Des centres d’accueil ont été ouverts sur une dizaine de sites. Les médias locaux relayent des messages sur leurs situations et leurs horaires. Les psychiatres multiplient aussi les VAD (visites à domicile), en particulier dans les fermes isolées et auprès de patients âgés.
« Nous réussissons à faire face, estime le Dr Bescond, grâce à l’abondance des intervenants qui s’activent sur le terrain, SAMU, pompiers, gendarmes, Croix-Rouge, Protection civile, tout le monde fait du soutien psychologique auprès des sinistrés. » Cette solidarité des acteurs s’étend à l’inspection académique, avec les psychologues scolaires, ajoute le Dr Leseigneur, « les écoles ayant pour la plupart repris les cours, comme c’est recommandé, pour que les enfants constatent que la vie a repris aussi normalement que possible. L’activité doit primer. »
Le maillage de la sectorisation psychiatrique.
La psychiatre se félicite par ailleurs du concours des CMP (centres médico-psychologiques), bien identifiés sur le terrain, avec des horaires très accessibles au public. « C’est avec une synergie des divers acteurs que nous pouvons mailler efficacement le département, en nous appuyant sur la sectorisation psychiatrique. »
Les sauveteurs ont été soumis à rude épreuve. Eux-mêmes font l’objet de l’attention rapprochée des CUMP, qui, parallèlement, leur dispensent des conseils sur la conduite à tenir avec les sinistrés.
Depuis dimanche, les journées des équipes sont longues et aucun répit n’est envisagé avant au moins une dizaine de jours. Heureusement, des volontaires se manifestent, parmi lesquels des psychiatres libéraux ou de jeunes médecins retraités. « Cinq confrères nous ont rejoints et le chiffre peut monter dans la semaine, se félicite la coordinatrice de Charente-Maritime, tout en veillant à ce que chacun de ces intervenants maîtrise les bases nécessaires pour évaluer et trier les blessés psychiques et leur prodiguer les soins immédiats. »
Il faut être vigilant dans ces recrutements, souligne son confrère vendéen, attentif, dit-il, à dépister les électrons libres tentés d’agir, par exemple, pour des mouvements sectaires.
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