L’Agence européenne du médicament (EMA) donne un coup d’accélérateur à l'évaluation de l’autorisation de commercialisation du vaccin italo-britannique sur le vaccin « ChAdOx1 » contre le Covid-19. Développé par l’institut Jenner de l’université d’Oxford en collaboration avec l'Institut de recherches en biologie moléculaire italien Advent-IRBM et la multinationale anglo-suédoise AstraZeneca, ce vaccin appelé « ChAdOx1 » est entré dans la dernière ligne droite de la phase 3 des essais cliniques.
Normalement utilisée dans les situations d’urgence, la procédure d'examen accéléré des données déclenchée par l’EMA devrait permettre au consortium d’obtenir rapidement l’autorisation de mise sur le marché. Décryptage du parcours de la recherche de cette prophylaxie avec Piero Di Lorenzo, patron d’Advent-IRBM.
LE QUOTIDIEN : Le vaccin développé par l’institut Jenner et Advent-IRBM pourrait-il être lancé sur le marché avant la fin de l’année ?
PIERO DI LORENZO : L’autorisation de commercialisation devrait être délivrée par l’EMA pour le marché européen d’ici fin novembre. À moins bien sûr, d’un problème durant la phase 3 des essais cliniques qui devraient être terminés d’ici fin octobre. Il est certain que pouvoir dire que nous avons été les premiers à franchir la ligne d’arrivée serait comme planter un drapeau sur la lune ! Toutefois, la demande sera tellement importante qu’il y aura suffisamment de place sur le marché pour les six ou sept autres concurrents qui arriveront dans la foulée car tout va se jouer sur le fil du rasoir.
Comment vont se dérouler les opérations lorsque vous aurez obtenu l’autorisation de commercialisation ?
La production a déjà été lancée car nous ne pouvions pas perdre de temps compte tenu des enjeux. Ainsi trois millions de doses seront déjà disponibles avant la fin de l’année en Italie. Elles seront utilisées pour les catégories à risque comme les soignants et les personnes âgées placées en EHPAD, comme l’a envisagé le gouvernement italien. Et d’ici au printemps prochain, les 70 millions de doses commandées par la Péninsule sur les 400 millions destinées aux pays de l’Union européenne seront distribuées dans tout le pays.
Comment ce vaccin a-t-il conçu et développé ?
L’institut Jenner, qui étudie la famille des coronavirus depuis une vingtaine d’années, a réussi à isoler un élément fondamental pour la fabrication du vaccin en mars dernier au tout début de l’épidémie. Mais il fallait trouver un vecteur pour le transporter dans l’organisme.
En ce qui nous concerne, nous étudions depuis une dizaine d’années, l’adénovirus rebaptisé « la fusée » par les laborantins puisqu’il s’agit d’un vecteur qui doit être manipulé pour bloquer sa réplication. Nous avions déjà testé ce système pour créer et produire le vaccin contre le virus Ebola.
L’institut Jenner nous a donc contactés et nous a proposé de collaborer au projet de vaccin contre le Covid-19. En deux semaines, nous avons mis au point l’adénovirus. Ensuite, tout a été vite, les Chinois ont publié la séquence du gène sur Internet alors que nous venions de créer le candidat vaccin contre le SARS-CoV-2.
L’apport de la multinationale AstraZeneca est-il un élément fondamental pour le déroulement de toute l’opération ?
Sans AstraZeneca, nous n’aurions pas eu la force de frappe nécessaire sur le plan économique et aussi de l’organisation. Dans ce contexte de pandémie, la découverte d’un vaccin contre le Covid-19 est un défi qui se joue à l’échelle mondiale. Aussi, la participation d’un partenaire solidement implanté sur le marché international est indispensable.
Comment se sont déroulés les essais cliniques dont les délais ont été raccourcis tout en respectant deux critères essentiels de la recherche vaccinale, la sécurité et l’efficacité ?
Contrairement aux procédures habituelles, nous avons recruté un nombre impressionnant de volontaires durant les trois phases, c'est-à-dire 6 000 pour les deux premières phases qui ont été regroupées et 10 000 pour la troisième. Selon plusieurs spécialistes, des résultats fiables tombent au bout d’une période d’observation de trois ans. En raccourcissant les délais des trois phases mais en augmentant le nombre de volontaires, nous avons augmenté les probabilités de réussite et gagné un temps précieux dans la course contre le virus.
Pour le vaccin contre Ebola, les essais cliniques sur les volontaires sains selon le protocole de la phase1 ont duré un an parce que les tests étaient réalisés sur un plus petit nombre de personnes. Mais la situation était différente, Ebola avait été détecté en Afrique, c’est-à-dire très loin, le Covid-19 est partout, donc les gens ont peur et le danger est important. Il fallait donc agir très vite.
Quelles sont les premières données sur la durée de la couverture vaccinale ?
La persistance des anticorps peut aller jusqu’à 8 mois, probablement un an. L’idée est de poursuivre la recherche pour vérifier la durée réelle de la couverture, c'est-à-dire s’il faudra envisager une vaccination annuelle comme pour l’antigrippal ou un rappel comme dans le cas du vaccin contre l’hépatite. Pour vérifier la réponse entre une personne vaccinée une seule fois et une autre qui a fait un rappel, un groupe de volontaires a été revacciné un mois après la première injection. Cette procédure sera à nouveau appliquée dans un an pour établir des nouvelles statistiques.
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