L’ACTION entamée par Mlle Banon arrive à point pour que Cyrus Vance Jr, le procureur de New York, trouve le moyen de relancer des poursuites que sa précipitation et son imprudence ont anéanties. DSK a réagi au dépôt de plainte par une autre plainte en dénonciation calomnieuse. Mais pendant les trois jours qui ont suivi sa mise en liberté sur parole et les poursuites annoncées par Mlle Banon, tout a semblé possible à beaucoup de socialistes, y compris le retour de DSK sur la scène politique et même sa candidature à la présidence de la République.
UNE JOURNÉE POUR TIRER UN PLAN SUR LA COMÈTE, UNE AUTRE POUR L’ANÉANTIR
Ses rivaux potentiels ont fait assaut d’élégance en acceptant l’hypothèse, sous conditions, d’un ajournement des dépôts de candidature aux primaires socialistes. Ses amis les plus fervents, le député de l’Eure François Loncle et Michèle Sabban, présidente de l’assemblée des régions d’Europe, ont dénoncé un « complot », en faisant allusion au pouvoir, qui aurait organisé le traquenard de la suite du Sofitel, ce qui a conduit Claude Guéant, ministre de l’Intérieur à riposter par une mise au point où l’on pouvait déceler de la colère. L’idée même que DSK pût revenir dans la course de la présidentielle ne pouvait qu’embarrasser le PS, après la déclaration de candidature de Martine Aubry : il y avait un risque d’éparpillement des voix, lors des primaires, entre Aubry, DSK et Hollande. Le sort aurait alors renvoyé le parti socialiste à son destin, l’incapacité d’emporter, depuis 23 ans, le seul scrutin qui vaille.
A-t-il franchi la ligne ?
Théories qui semblent bien fumeuses à la lumière de la plainte de Tristane Banon, personnage méconnu qui acquiert soudain une dimension nationale. Au moment de l’affaire du Sofitel, nous avions tenté d’expliquer que, si DSK, pendant tant d’années, n’avait pas eu de problème majeur en dépit d’une conduite personnelle qui laisse à désirer, c’est principalement parce que Mlle Banon, qui affirme avoir été agressée par lui en 2003, n’a pas porté plainte pendant huit ans. Elle s’en explique dans « L’Express » en disant que, si elle n’a pas voulu associer son cas personnel à celui de Nafissatou Diallo, elle n’a pas supporté de voir DSK libre et dînant en famille dans un restaurant luxueux de New York. Quoi qu’il en soit, elle relance des soupçons que la défaite (provisoire) de Cyrus Vance Jr n’a jamais dissipés. L’opinion en est toujours à se demander si M. Strauss-Kahn a franchi, une fois ou plusieurs fois, la ligne qui sépare le marivaudage de la coercition sexuelle.
Une mesure éphémère.
On ne cesse de répéter que le temps judiciaire n’a rien à voir avec le temps médiatique et politique. Une plainte en France ne sera pas traitée avec la diligence de la justice de l’État de New York. Une nouvelle épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête de DSK. Des informations recueillies par la presse indiquent que, de toute façon, il n’avait nullement l’intention de faire un comeback politique et qu’il se consacre exclusivement, pour l’heure, à la démonstration de son innocence.
On est certes en droit de nourrir des doutes sur les motivations de Tristane Banon, sur le dépôt d’une plainte qui a lieu huit ans après les faits, sur l’impossiblité presque certaine de réunir des preuves à charge si longtemps après les faits présumés, sur le comportement personnel de la jeune femme, qui a accusé DSK il y a quelques années mais sans donner de suite judiciaire aux propos qu’elles a tenus devant les médias, sur le rôle de sa mère, Anne Mansouret, membre du PS, qui aurait dissuadé sa fille de porter plainte en 2003 et qui maintenant l’y aurait encouragée. C’est une action si mal ficelée qu’il est probable que DSK s’en sortira sur le plan judiciaire, et ce ne sera pas la première fois. En revanche, il est impossible qu’il puisse jouer cette année ou l’année prochaine un rôle politique utile et important. La vitesse avec laquelle des faits nouveaux apparaissent presque jour dans cette affaire à tiroirs doit inciter les médias et l’opinion à la plus grande prudence. On mesure, par exemple, la vacuité des sondages sur un retour éventuel de DSK sur la scène politique. Ils ont pris une mesure éphémère dans une chronologie torrentielle de faits imprévus.
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