Crise économique et politique

Un pays sous tension

Publié le 28/03/2013
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Crédit photo : AFP

LE GOUVERNEMENT n’a peut-être pas traité avec la plus grande rigueur l’incident provoqué par un leader du Front de gauche qui n’a pas hésité à décrire le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, comme un « salopard ». Les explications à peine embarrassées de Jean-Luc Mélenchon sur cet inquiétant dérapage confirment l’intolérance du personnage et de son parti. Elles ont surtout servi de justification à une violence verbale (les Français ont besoin qu’on leur parle « cru et dru », a dit M. Mélenchon) qui indique plutôt une tentative de déstabiliser le pouvoir et, peut-être, de le remplacer. La manifestation de dimanche dernier contre le « mariage pour tous », qui a rassemblé une foule considérable, s’est terminée par des échauffourées entre manifestants et policiers. La mise en examen de Nicolas Sarkozy a plongé les militants de droite dans une colère indescriptible et, pour le moment, semble plus galvaniser l’opposition que l’affaiblir. Dix mois à peine que le président Hollande est au pouvoir et le climat politique est sombre, la France divisée entre diverses tendances inconciliables, le désordre commence, les extrêmes triomphent, et tombent toutes les règles de la bienséance, libérant un langage parfois ordurier.

Il n’est ni dans l’intérêt de M. Hollande ni dans son caractère de mettre l’accent sur ce qui va mal. Il aurait tort cependant de minimiser les réactions de partis lancés dans une curée anti-gouvernementale et d’un peuple désespéré par le présent et affreusement pessimiste pour son avenir. Le président de la République a été démenti par les faits à plusieurs reprises : il attendait une reprise, elle lui fait défaut ; il devait ramener le déficit public à 3 % du PIB, ce sera 3,7 et qui sait ? peut-être plus ; il a promis d’épargner les classes moyennes, elles sont écrasées par le fisc ; il devait « inverser la courbe du chômage à la fin de l’année », il n’y parviendra pas.

HOLLANDE A LAISSE SES MINISTRES BROUILLER SON MESSAGE

Ces échecs relèvent d’un seul facteur : le chef de l’État n’a pas traité la crise et les batailles politiques qu’elle entraîne avec l’autorité qui lui a permis de remporter au Mali un succès considérable. Il a laissé s’exprimer au sein de son gouvernement des divergences sérieuses, portant sur le sens même de l’action politique. Il s’est plus préoccupé de dénigrer la droite et M. Sarkozy que de faire taire la gauche du PS et, surtout, une opposition de gauche qui veut bien conclure des accords électoraux avec le PS mais tire sur lui comme s’il incarnait un diabolique dévoiement. Il a cru, comme au temps où il était Premier secrétaire, qu’il ferait un jour la synthèse de tous les courants de la gauche. Il n’a pas vu non plus, pendant les six premiers mois de son mandat, que les recettes keynésiennes ne sont plus applicables et que la social-démocratie a été vaincue, partout en Europe, par une crise systémique. Que le fameux « modèle français » dont on nous rebat les oreilles est en perdition et qu’il faut d’urgence en trouver un autre. Que le moindre des pragmatismes lui dictait de s’engager, dès l’année dernière, dans une réforme fiscale dépouillée des vieilles lunes idéologiques dont il a cru, à tort, qu’il pouvait se dispenser.

Le voici donc, aujourd’hui, confronté à une menace peut-être pire que le chômage et l’endettement : l’intolérance. Celle de Jean-Luc Mélenchon, dont le discours enflamme des citoyens qui estiment ne plus rien avoir à perdre et se noient dans la démagogie du Front de gauche. Celle de la droite, littéralement fanatisée après l’affront fait à Sarkozy par un juge qui, certes, n’exerce que son métier mais n’a pas mesuré l’état politique délétère où se trouve le pays avant de prendre sa décision. Le résultat de l’élection partielle, dans l’Oise, permet au candidat de l’UMP, Jean-François Mancel, de l’emporter de justesse, mais le score de la candidate du Front national (presque 49 %) incite Marine Le Pen à croire qu’elle accèdera un jour au pouvoir par les voies légales. On imagine que M. Hollande est conscient du fait que la gauche ne saurait prendre une telle responsabilité.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9230