L’effet délétère des pesticides est connu. Une expertise de l’INSERM de juin 2013 (« le Quotidien du 13 juin 2013) avait notamment mis en évidence une augmentation du risque de cancers : lymphomes non hodgkiniens et de myélomes multiples chez les professionnels exposés aux organophosphorés et certaines organochlorés (lindane, DDT). Le risque de Parkinson est aussi mentionné pour les insecticides et les herbicides. Pour les autres maladies dégénératives, les résultats sont moins tranchés, les études de cohorte indiquant un excès de risque d’Alzheimer, ce qui n’est pas le cas des études cas-témoins.
L’étude publiée dans le « JAMA Neurology » montre que plus de quarante ans après son interdiction (1972 pour les États-Unis ; 1971 pour la France), une exposition au DDT accroît le risque de survenue d’une maladie d’Alzheimer de même que sa sévérité. « C’est l’une des premières études à identifier un important risque environnemental pour l’Alzheimer », souligne le Dr Allan Levey, directeur du Centre de recherche sur la maladie d’Alzheimer à l’Université Emory (Géorgie), un des principaux co-auteurs.
86 patients âgés de 74 ans en moyenne
Le DDT est connu pour persister longtemps dans l’environnement. L’étude conduite par l’Université Emory et l’Université Rutgers, montre que le DDT et le DDE, principal métabolite du DDT, restent présents dans l’organisme humain des années après l’exposition. Le pesticide est retrouvé dans 75 à 80 % des prélèvements sanguins collectés par les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) en vue d’une surveillance nationale. Dans l’étude cas-témoin les auteurs ont comparé un groupe de 86 patients atteints de la maladie d’Alzheimer et âgés de 74 ans en moyenne à un groupe témoin de 79 personnes indemnes de la maladie. Résultats : 74 des 79 patients Alzheimer avaient un taux sanguin de DDE presque 4 fois plus élevé que les taux enregistrés chez les autres. « L’ampleur de l’effet du DDT est important, comparable au facteur génétique le plus courant prédisposant à la maladie d’Alzheimer », précise le Dr Allan Levey. Les patients inclus porteurs du gène ApoE4 ont un taux de DDE plus élevé et des troubles cognitifs encore plus prononcés que ceux qui ne possèdent pas le gène de prédisposition.
Formation des plaques
Selon les auteurs le DDE contribuerait directement à la formation des plaques béta-amyloïdes. Les auteurs ont en effet soumis des cultures de cellules neuronales à des concentrations élevées de DDE comparables aux teneurs sanguines les plus fortes retrouvées chez les patients de l’étude. Ils ont ainsi provoqué une accumulation de la protéine béta amyloïde dans les cellules. Des recherches approfondies doivent être menées pour déterminer le rôle respectif du DDE et du gène apoE4. « Les résultats démontrent qu’une attention plus grande doit être accordée sur les facteurs environnementaux potentiels et leur interaction avec les gènes de susceptibilité », souligne du Pr Jason Richardson, professeur de médecine environnementale à l’Université Rutgers (New Jersey, nord-est), auteur principal de l’étude. Ces nouvelles données, peuvent aider, selon lui, « à identifier ceux qui sont à risque élevé de développer une maladie d’Alzheimer », suggère-t-il. Ce qui peut permettre un diagnostic et une prise en charge précoces.
Fruits, légumes et céréales
Les auteurs insistent sur le fait que l’exposition aux organophosphorés comme le DDT continue. Le DDT peut rester dans l’organisme de huit à dix ans et le DDE, son métabolite encore plus persistant, s’accumule dans les tissus alors que les personnes vieillissent. Ceci pourrait aider à expliquer le fait que l’âge est le plus grand facteur de risque d’Alzheimer, ajoute le Dr Levey même si comme le relève le Pr Richardson, les niveaux de DDE ne sont pas le seul facteur déterminant pour expliquer Alzheimer. Dans certains échantillons sanguins de malades avec Alzheimer, le DDE n’était pas détectable tandis que des participants sains avaient des concentrations élevées.
Les résultats de cette étude « préliminaire » devront être confirmés chez un plus grand nombre de sujets et par des observations cliniques sur de longues périodes, explique Steven Dekosky (Université de Virginie) qui signe un éditorial dans « Neurology », mais en dépit de ses « faiblesses », elle a le mérite de tirer « une sonnette d’alarme » sur l’influence des facteurs environnement dans Alzheimer.
*dichlorodiphényléthane
**dichlorodiphényldichloréthylène
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