À L’ISSUE du symposium « Cancer et Travail en agriculture » organisé par l’Institut national de médecine agricole, le 16 septembre à Tours, Pierre Lebailly a présenté les premiers résultats de l’enquête AGRICAN (AGRIculture et CANcer), qui suit 180 000 travailleurs de l’agriculture (voir encadré). C’est, à ce jour, la plus grande étude jamais réalisée au niveau mondial – et national – sur la santé des agriculteurs. Les résultats étaient donc très attendus, notamment en ce qui concerne l’impact de l’utilisation des pesticides sur l’incidence des cancers en milieu agricole. Force est de reconnaître que la réponse à cette question devra encore attendre. Les résultats portent uniquement sur la mortalité comparée à celle de la population générale. Les chiffres de l’incidence des cancers, susceptibles d’être plus explicites sur le rôle des pesticides, ne seront pas disponibles avant 2014, pour des raisons de méthodologie statistique. « Il s’agit de résultats partiels et cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de risque cancérigène lié aux pesticides », précise Pierre Lebailly.
Ces premiers résultats montrent une sous-mortalité très nette par rapport à la population générale. Toutes causes de décès confondues celle-ci est de près d’un tiers, qu’il s’agisse de la mortalité liée aux maladies endocriniennes (diabète), à celles du système nerveux (Alzheimer, Parkinson) ou encore des accidents cardio-vasculaires. La différence en matière de mortalité liée aux troubles mentaux est encore plus impressionnante, puisqu’elle atteint 63 %. Elle est aussi très sensible pour les maladies du système digestif (36 %) et de l’appareil respiratoire (34 %). Et, contrairement à une idée communément admise, les décès par causes externes chez les hommes, dont les suicides, sont eux aussi inférieurs au reste de la population française. Mais le suicide est majoré de 30 % chez les femmes.
La sous-mortalité par cancers est respectivement de 27 % chez les hommes et 19 % chez les femmes. Dans le détail, on voit que la baisse est majeure pour les cancers liés au tabagisme, larynx, trachée, bronches, poumons et vessie (respectivement 50 et 42 %). Ces résultats peuvent s’expliquer par un tabagisme moindre dans la population des agriculteurs (76 % des hommes et 42 % des femmes de la cohorte n’ont jamais fumé). En revanche, une majoration a été observée pour la mortalité liée au mélanome malin de la peau (+ 1% chez l’homme, +6 % chez la femme). Un cancer rare, celui du sein chez l’homme, est majoré de 126 %. Enfin, chez les femmes on retrouve des excès pour les cancers de l’œsophage (+8 %), de l’estomac (+5 %) et du sang (+2 %)
Débat sur les pesticides.
En ce qui concerne les pesticides, les intoxications aiguës ont touché 8,7 % des hommes et 5,1 % des femmes. Interrogé sur le chiffre de 48 % de la population agricole exposée aux pesticides, qui semble effectivement bas, Pierre Lebailly a précisé que ce résultat est lié au fait que les agriculteurs âgés aujourd’hui de plus de 65 ans, et retraités pour certains depuis de longues années, n’ont que très peu, voire pas du tout utilisé de pesticides. L’utilisation des pesticides s’est développée dans les années d’après-guerre et a plus que doublé depuis 1950, pour atteindre aujourd’hui en France la quantité de 2,5 tonnes par an.
D’autre part, interpellé sur le fait que l’Union de l’industrie de la protection des plantes (UIPP) participe au financement de l’étude, Pierre Lebailly a précisé qu’elle finance le projet à hauteur de 2 %. Il a vigoureusement défendu son indépendance par rapport à tout organisme financeur.
La deuxième étape de l’étude va débuter. Elle analysera les incidences des cancers par secteur agricole et permettra de donner des résultats précis concernant le rôle des facteurs professionnels et notamment l’exposition aux pesticides. Rendez-vous en 2014.
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