À l’approche de la Journée mondiale de sensibilisation autour des maladies induites par le papillomavirus humain (HPV) du 4 mars, Emmanuel Macron a annoncé une campagne gratuite de vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) « généralisée » dans les collèges pour les élèves de 5e et la possibilité, à partir de septembre 2023, pour les pharmaciens, sages-femmes et infirmiers de prescrire et d'administrer le vaccin aux adolescents. Si l’annonce est largement saluée, des associations appellent à aller plus loin et plaident notamment pour un élargissement des campagnes de vaccination de rattrapage.
Du côté de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV), la mesure est jugée « efficace et attendue » en ce qu’elle est une « clé du succès de la vaccination anti-HPV dans la grande majorité des autres pays Européens ». En France, la vaccination selon un schéma à deux doses est recommandée pour les filles de 11 ans à 14 ans depuis 2007 et à tous les garçons du même âge depuis le 1er janvier 2021. Elle peut être proposée en rattrapage, avec trois doses, jusqu'à l'âge de 19 ans et elle reste possible jusqu'à 26 ans pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH).
Un retard « abyssal » dans la couverture vaccinale
Mais dans le pays, le retard est « abyssal », déplore le collectif « Demain Sans HPV », qui regroupe 10 associations de patients concernés par les cancers HPV induits. Fin 2021, 45,8 % des jeunes filles de 15 ans avaient reçu une dose de vaccin, et seulement 6 % des garçons du même âge, loin des objectifs de couverture vaccinale fixés par la stratégie nationale de santé sexuelle et le plan Cancer de 60 % en 2023 et 80 % en 2030.
La vaccination a pourtant « prouvé son efficacité sur la réduction du nombre de nouveaux cas de lésions précancéreuses du col de l’utérus ainsi que de verrues génitales », rappelle un communiqué de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM). L’enjeu pour les médecins, juge-t-elle, est « d’augmenter la couverture vaccinale qui reste trop faible », alors que la vaccination contribue à augmenter l’immunité collective.
Plusieurs raisons expliquent la faible couverture vaccinale française. À côté du coût du vaccin, compris entre 95 et 116 euros, en partie couvert par l'Assurance-maladie (remboursement à hauteur de 65 %, complété par une mutuelle complémentaire), une étude de Santé publique France souligne la plus faible participation des populations les plus pauvres. Une prise en charge de la vaccination par la médecine scolaire pourrait compenser ces inégalités, mais aussi pallier « la difficulté d’atteindre la population cible des 11-14 ans qui ne vont plus chez le pédiatre et vont rarement consulter un médecin généraliste », souligne la SFCPCV.
La mesure sera efficace à condition qu’on « ne s’arrête pas aux effets d’annonce » et que les moyens suivent, a insisté Jean-Baptiste Lusignan, responsable du pôle Jeunes et publics prioritaires au Centre régional d'information et de prévention du sida (Crips) d’Île-de-France, à l’occasion d’une conférence de presse du collectif « Demain sans HPV ».
Un nécessaire effort de sensibilisation des ados et de leurs parents
Selon lui, le succès de la campagne réclame également des actions spécifiques de sensibilisation et de prévention autour des HPV auprès des collégiens, mais aussi de leurs parents qui devront donner leur accord. Alors qu’il peut y avoir un tabou autour de la sexualité des adolescents, il faut « désexualiser le vaccin, poursuit-il, comme on le fait pour la vaccination contre l’hépatite B qui n’est pas présentée comme une prévention contre une infection sexuellement transmissible (IST) ».
Pour Coralie Marjollet, présidente de l’association Imagyn (cancers gynécologiques), membre du collectif, la vaccination au collège ne devrait pas intervenir avant la « fin du deuxième trimestre, pour avoir le temps de diffuser de l’information ». L’effort doit aussi porter sur le grand public, poursuit-elle, soulignant la réflexion en cours au sein des sociétés savantes sur le message à porter à la population.
Le défi est d’en « finir avec le tabou » des maladies HPV induites, ajoute Sabrina Le Bars, présidente de Corasso. « Les HPV provoquent de nombreuses maladies graves que le grand public ignore, observe-t-elle. Notre collectif vise à lever le voile sur les cancers de l’oropharynx, du pénis ou de l’anus directement induits par les HPV. Citons également la papillomatose respiratoire récurrente (PRR), une maladie invalidante qui touche aussi bien les enfants que les adultes et qui se traduit par l'apparition de verrues causées par les HPV, au niveau du larynx. »
Appel à une campagne de rattrapage élargie et « non genrée »
Surtout, le collectif plaide pour un élargissement de la vaccination de rattrapage « non genré ». Actuellement, seuls les HSH de 19 à 26 ans sont concernés. « Pourtant, toute une tranche d’âge n’a pas pu bénéficier du vaccin, notamment en raison de la pandémie », souligne le collectif, qui appelle à une vaccination de rattrapage de 19 à 26 ans « quel que soit leur genre ou orientation sexuelle ».
De son côté, l’association Actions traitements (droits des personnes vivant avec le VIH et/ou des co-infections) regrette que l’annonce du chef de l’État ne s’accompagne pas d’un « plan d’actions ambitieux » en faveur des dépistages précoces des HPV. « La crainte, pour les adultes qui ne sont plus en âge de se faire vacciner, reste très forte et légitime face aux condylomes et surtout aux cancers qu’ils ou elles risquent de développer faute d’avoir été vaccinés plus jeunes », témoigne un communiqué de l’association, citant l’exemple des États-Unis où l’âge de la vaccination a été repoussé à 45 ans.
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