P LUS de quinze millions de travailleurs européens (un actif sur dix) se disent « victimes de violence, de harcèlement moral ou sexuel sur leur lieu de travail », mais la sensibilité au problème est nettement plus forte dans le nord du continent, selon une étude du Groupement de l'institution prévention de la Sécurité sociale pour l'Europe (Eurogip)*.
La violence au travail et le harcèlement « recouvrent des réalités différentes selon les pays », allant de l'incivilité à l'agression, voire le meurtre, en passant par l'agressivité et l'insulte, précise l'étude, réalisée en 1999 et 2000 auprès des pouvoirs publics, des organismes d'assurance et de prévention des risques professionnels, et des partenaires sociaux de l'Union européenne.
« Si l'Italie, l'Espagne et la Grèce ne peuvent pas fournir de données statistiques, certains pays, comme l'Allemagne et la France, disposent de chiffres précis issus des statistiques des accidents du travail », note l'étude.
Dans l'Hexagone, plus de 8 000 arrêts de travail de plus de trois jours consécutifs à une agression ont été enregistrés en 1998 (environ 6 800 trois ans auparavant) pour les quinze millions de salariés affiliés à la CNAM.
Premières cibles de cette violence souvent externe, c'est-à-dire exercée par des clients ou par des usagers, les activités qui induisent la manipulation d'argent liquide ou d'objets précieux (convoyeurs de fonds, caissiers, livreurs, etc.) et celles représentant symboliquement la société ou l'autorité (transports urbains, police, gardiens, etc.). 00
L'isolement, chez les conducteurs de bus ou en station-service, par exemple, multiplie les risques d'agression. Employés des compagnies aériennes victimes de la grogne liée aux surréservations, vétérinaires britanniques chargés de l'application de la législation sur la vache folle, inspecteurs du permis de conduire sont aussi visés.
Formation à l'autodéfense
De nouvelles cibles sont apparues au fil des années, comme les médecins de garde ou les pompiers. En Suède, plus de la moitié du personnel soignant et des travailleurs sociaux déclarent avoir été victimes d'actes de violence au cours des douze derniers mois. « En Irlande, faute d'avoir pris des mesures de prévention suffisantes, le centre hospitalier de Cork a été poursuivi par l'inspection du travail, selon le document : des actes violents avaient été commis à l'encontre du personnel dont l'un aurait pu être mortel. »
Sous l'impulsion des syndicats, les pays du Nord ont adopté une série de mesures, comme en Suède, où une loi de 1993 interdit toutes les formes de harcèlement moral et oblige l'employeur à prévenir celui-ci. Aux Pays-Bas, depuis 1994, un ensemble législatif complet a été mis en place : l'employeur a l'obligation d'établir une politique interne de prévention, ainsi qu'une gestion des suites de l'accident. En outre, les autorités irlandaises et britanniques ont développé des campagnes d'information.
En France, La Poste, la RATP ou encore la Société générale ont développé la prise en charge des victimes d'agression. Le CHU de Limoges dispense désormais une formation à l'autodéfense et à la neutralisation prudente des malades agités.
* Eurogip a été créé en 1991 sous la forme d'un groupement d'intérêt public par la Caisse nationale de l'assurance-maladie (CNAM) et de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), avec la mission de travailler spécifiquement sur les risques professionnels au niveau européen.
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