E NVIRON 3 000 acteurs de l'urgence (médecins, infirmières, assistantes sociales, ambulanciers...) sont réunis depuis hier à Paris dans le cadre du congrès « Urgence 2001 ».
Qu'ils s'occupent des malades à leur domicile avant de les conduire ou non à l'hôpital (ce sont les urgentistes pré-hospitaliers) ou qu'ils les accueillent dans les services d'urgence (ce sont les urgentistes hospitaliers), les professionnels font pendant trois jours le point sur leurs expériences, sur les avancées scientifiques de la médecine d'urgence.
Bien qu'elle ne soit pas reconnue comme une spécialité, les travaux sont un motif particulier de fierté pour les urgentistes. « Y a-t-il beaucoup de disciplines capables de réunir autant de personnes pour un congrès ? », interroge le Dr Nicolas Simon, pilote d'« Urgence 2001 » et président du Syndicat des urgences hospitalières (SUH). Ce congrès est aussi l'occasion pour les professionnels d'analyser les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier. Des conditions très contrastées d'une région à l'autre, d'un SAMU à l'autre, d'un service d'urgence à l'autre... mais qui dessinent un tableau d'ensemble « globalement pas brillant », selon les termes du Pr Paul Petit, président du SAMU de France.
Le même se plaît d'ailleurs à décrire l'urgence comme « un gros chaudron » : des années de mépris de l'hôpital pour ses services d'urgence, l'évolution du comportement de Français de plus en plus demandeurs de soins urgents, la démobilisation des médecins libéraux, une démographie médicale annoncée comme insuffisante..., tout se conjugue pour faire bouillir la marmite. Avec un risque d'explosion.
Du côté des urgences pré-hospitalières, on est particulièrement préoccupé par la nécessité d'éduquer la population aux soins urgents. « Au niveau du 15, nous sommes submergés d'appels pas vraiment urgents, précise le Pr Petit. 10 % d'entre eux justifient l'envoi d'un médecin en urgence, la moitié des 80 % restants concernent des soins qui pourraient être différés, tandis que l'autre moitié n'a absolument rien à voir avec l'urgence. »
Pour le SAMU de France, il faudrait aujourd'hui « faire campagne auprès des Français », leur expliquer, estime le président de l'organisation, que « la visite à domicile a vécu » et qu'ils doivent « autant que faire se peut aller dans les cabinets médicaux de ville ». Comment procéder ? Sur le modèle de ce qui a été fait pour la prise en charge de la douleur thoracique, répond le Pr Petit. Des campagnes médiatiques orchestrées par l'Association française de cardiologie et le SAMU, une sensibilisation des cardiologues de ville et des généralistes à cette question ont appris aux patients à avoir les bons réflexes. Résultat, non seulement les malades s'adressent au bon endroit au bon moment mais le taux de mortalité lors d'un infarctus qui était de 30 % il y a vingt-cinq ans a été ramené à moins de 10 %.
Ce souci de l'éducation de la population n'est pas forcément partagé par les urgentistes hospitaliers. « Un malade qui vient pour une bricole, on le voit, et en dix minutes il est reparti », affirme le Dr Nicolas Simon. Dans les services hospitaliers, ce n'est plus l'embouteillage à la porte d'entrée des locaux mais l'engorgement à leur porte de sortie qui pose problème. Les urgentistes se heurtent au manque de lits d'aval et ne savent plus quoi faire de leurs malades. « Nous allons arriver au stade canadien, prédit le Dr Simon, c'est-à-dire que les patients vont rester quarante-huit heures, cinq jours, aux urgences avant de trouver un lit. » Le président du SUH juge que cet effet induit de la restructuration hospitalière, particulièrement sensible en région parisienne (où s'est jouée « une campagne de fermeture massive de lits aigus sans aucune reconversion en lits de soins de suite »), commence à se faire sentir dans toute la France.
Aggravée par la judiciarisation des urgences, la restructuration est devenue, selon lui, le principal facteur de pénibilité de la profession d'urgentiste. « Le burn-out de ces médecins vient de là. Personne n'a le temps de passer trois heures à trouver un lit pour un patient ! » Aux yeux de Nicolas Simon, la situation est grave au point que « les gens viennent aujourd'hui travailler dans les services d'urgence avec la trouille au ventre ».
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