Assistance médicale à la procréation (AMP)

Accompagner les parents favorise l’épanouissement des enfants

Publié le 17/09/2015
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Les aider à ne pas transmettre leur souffrance

Les aider à ne pas transmettre leur souffrance
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Dans les années 1980, de nombreux psychiatres et psychologues considéraient qu’il était dangereux, pour des enfants, de naître à la suite d’une assistance médicale à la procréation (AMP). Certains pensaient même qu’ils allaient devenir psychotiques. Par la suite, la littérature abondante concernant les enfants nés après AMP est venue contredire cette croyance. On peut, aujourd’hui, affirmer que la santé mentale et physique de ces enfants est, globalement, bonne.

Les grossesses qui évoluent dans le cadre d’une AMP sont, toutefois, porteuses d’anxiété. Le Pr Bea R.H Van den Bergh - auteur d’une évaluation des études sur le développement de l’enfant - a notamment montré le lien entre le stress durant la grossesse et les troubles du développement. « Ses résultats apportent une hypothèse explicative à ceux d’une étude suédoise - basés sur une cohorte de 28 000 enfants nés après une Fécondation in vitro (FIV)- montrant que ces derniers ont un risque augmenté de troubles de l’attention et d’hyperactivité », souligne le Dr Luc Roegiers, pédopsychiatre au sein de l’unité FIV de la Clinique UCL Saint-Luc, à Bruxelles. L’infertilité est un événement sournois, insidieux, à fort potentiel destructeur. Chez certaines personnes, même la naissance d’un enfant par le biais de l’AMP n’arrive pas à combler la faille induite par l’infertilité. « Une étude* met notamment en lumière le fait que ce n’est pas l’infertilité qui créé véritablement la souffrance, ni la question, pourtant essentielle, d’avoir un enfant ou pas. Mais, le fait de ne pas pouvoir trouver un certain apaisement. Dans ces conditions, il y a peu de différences entre la santé mentale des personnes infertiles avec ou sans enfant, dans la mesure où elles ont renoncé à leur désir », note le Dr Roegiers.

Prévenir les souffrances

L’accompagnement des couples sur le chemin de l’AMP - par une équipe pluridisciplinaire - est importante pour leur évolution, leur devenir, et leur rapport à la vie, mais aussi, à leurs enfants. « Par ailleurs, de très nombreuses études montrent, aujourd’hui, que le développement d’enfants de couples homosexuels est satisfaisant, y compris pour l’identité sexuée et les relations familiales. On ne peut donc pas refuser d’aider ces couples à procréer sur le seul argument du bien-être de l’enfant », affirme le Dr Roegiers.

Il y a, toutefois, des situations qui invitent à la prudence. « Il peut y avoir des vulnérabilités narcissiques chez les personnes qui se trouvent seules parce qu’elles ne sont pas parvenues à créer un lien proche, gratifiant. Il est, par ailleurs, compliqué d’offrir par la voie médicale à un couple « gay » la possibilité d’avoir un enfant. La gestation pour autrui, l’insémination célibataire ou post-mortem sont des pratiques qui me posent problème et qui méritent une attention spécifique », précise le Dr Roegiers.

Autre situation particulière, le don de gamètes est anonyme en France. Seule, la « nécessité thérapeutique » peut justifier des dérogations au principe de l’anonymat. Par conséquent, les enfants nés grâce à un don de sperme ou d’ovocytes ignorent leurs origines génétiques. Faut-il que les parents maintiennent ce secret ? « La question, pour les parents, n’est pas de dire ou de ne pas dire, mais c’est d’être le mieux encadré de façon à fluidifier leur pensée, de ne pas se sentir prisonniers de leur souffrance. Le principal risque étant de transmettre cette souffrance à l’enfant », conclut le Dr Roegiers.

*S. Gameiro et al, Do children make you happier ? Human Reproduction, 2014.
Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9433