Aimer, boire et chanter

C’est avec ce film au titre joyeux, emprunté à unæ valse de Johann Strauss, que nous a quitté Alain Resnais, quatre vingt onze ans, le 1er mars dernier. Qualifié dès ses débuts de « cinéaste intellectuel » pour la gravité de ses sujets (Nuit et Brouillard, Hiroshima mon amour, L’Année dernière à Marienbad ...) Resnais n’a cessé de lutter contre cette étiquette. Dans les années 80, il opéra un revirement vers la fantaisie et depuis, il ne cessait de se renouveler, alternant films chantés (On connaît la chanson), ludiques (Smoking non smoking), voir vaudevillesques (Pas sur la bouche). Toujours pourtant, si la musique était légère, l’ombre de la mort rodait en coulisses. Nous sommes ici dans la campagne du Yorkshire. Un médecin apprend à sa femme que les jours de Georges, un de ses patients, sont comptés. Bouleversée par la nouvelle, une petite communauté (trois couples qui répètent une pièce de théâtre) s’agite. Nous ne verrons jamais Georges (qui a été marié à une des femmes du groupe). Il est le catalyseur invisible d’une action que Resnais, fidèle adepte du surréalisme, a voulu farfelue au possible, tout en artifices et en ruptures de ton, entre cinéma, théâtre et bande dessinée (les portes sont des toiles peintes, les extérieurs sont visualisés par des dessins). On entre ou pas dans ce monde inhabituel, qui surprend d’abord puis séduit. Une chose est sûre, on s’amuse jusqu’à la scène finale, émouvant rassemblement autour d’un cercueil, qui restera comme le dernier salut à son public d’un immense artiste.