LE QUOTIDIEN - Bertrand Delanoë a fait de vous son adjoint chargé de la santé et des relations avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Comment concevez-vous votre rôle au sein de cette très puissante institution ?
ALAIN LHOSTIS - Je mesure l'ampleur de la responsabilité qui m'a été confiée. A moi, élu communiste. La tâche est d'autant plus importante que les dossiers de la politique de santé de la Ville et de l'Assistance publique, séparés dans la mandature précédente, ont été réunis. Cela marque une volonté politique : on veut avoir une vision d'ensemble, cohérente, coordonnée, des problèmes de santé. A l'Assistance publique, maison considérable et prestigieuse, j'ai été distingué par le maire comme président suppléant du conseil d'administration. N'étant pas ignorant des questions de santé (je les suis depuis plus de vingt ans et, jusqu'à ce que je rejoigne en tant que conseiller social, le cabinet de Jean-Claude Gayssot, j'ai siégé pendant deux ans au conseil d'administration de l'Assistance publique), je sais le niveau d'engagement que cela nécessite.
A l'AP, voulez-vous marquer une rupture avec l'action de vos prédécesseurs ?
Je souhaite plutôt réveiller la belle endormie. L'arrivée d'un adjoint d'une nouvelle majorité est en soi un changement. Le fait que ce soit un communiste va peut-être intriguer... Je dis cela un peu comme une boutade, parce que j'ai déjà reçu beaucoup de témoignages d'intérêt pour ma nomination. Dans le milieu médical, parmi les personnels ou parmi les cadres de l'Assistance publique, on demande à me rencontrer. Les gens veulent me communiquer leurs réflexions, me faire des propositions. En peu de temps, tous ceux que j'ai vus brillent par leurs idées et par l'intelligence de leurs propos.
Que retenez-vous du passage que vous avez fait au conseil d'administration de l'AP-HP entre 1995 et 1997 ?
Le fait que les travaux du conseil d'administration sont souvent trop formels, trop encadrés. Le fonctionnement du conseil, tel que j'ai pu l'apercevoir, est relativement traditionnel. J'ai eu souvent l'occasion - et c'est peut-être pour cela que j'ai laissé quelques traces - d'intervenir pour bousculer un peu l'ordre établi, pour que la vie de l'hôpital, des établissements soit évoquée et qu'on ne se limite pas à des projets de délibération votés dans un silence plus ou moins religieux. Le conseil d'administration doit être sur les grands enjeux un lieu d'échanges, de confrontations si nécessaire. Toutes les sensibilités, toutes les composantes de l'hôpital (les praticiens hospitaliers, les usagers, les élus, les différents départements impliqués, les personnels, les représentants de l'Etat et de l'administration) y sont représentées. Alors y a-t-il un lieu plus propice au débat ? Une des missions du conseil doit être aussi de relancer la réflexion sur l'avenir de l'Assistance publique. Il n'est pas question de remettre en cause l'unicité de l'institution mais de faire un gros effort de décentralisation, de déconcentration. Il s'agit de donner plus de possibilités aux établissements de mener leur action, de s'inscrire dans leur environnement, de développer des partenariats avec l'extérieur.
Un plan stratégique à revoir"
Vos pouvoirs au sein de l'institution seront tout de même limités. Comment promouvoir tous vos projets ?
Bien sûr, l'Assistance publique a un directeur général, un conseil de tutelle, mais les textes donnent des pouvoirs importants au conseil d'administration. Et ils ne lui interdisent pas, en tout cas, de poser des questions, de faire remonter les problématiques qui sont posées par la société, par les établissements, par le personnel médical.
Quelles sont, sur le fond, vos priorités ? Et quelles sont en particulier vos positions par rapport au plan stratégique de l'AP, jugé « mauvais » par Bertrand Delanoë pendant sa campagne électorale ?
Il est effectivement mauvais. Parce qu'il n'a pas de nerfs, pas d'architecture forte. Il faut donc le retravailler. Et se pencher sur le problème de l'amont de l'hôpital, de l'urgence, de l'aval avec la prise en charges de personnes âgées, de la réorganisation de l'existant. Car, sur tous ces sujets, où est la politique de l'AP-HP ? Pour l'instant, on a juste l'impression que les bijoux de la Couronne sont vendus pour pouvoir financer tel ou tel équipement. Certes, il faut régler le problème du financement de Pompidou. Faisons-le. En liaison avec la Ville plutôt qu'en se comportant en promoteur immobilier. Mais une fois cette page tournée, il faudra mener la réorganisation hospitalière nécessaire avec une grande ambition de mobilisation. Il faut réorganiser pour mieux être au chevet du malade, au service du patient, et non dans un objectif de fermeture de lieux. Cette démarche implique que les cartes ne soient pas biseautées, que la transparence soit totale.
Quelle idée vous faites-vous du lien entre l'AP-HP et les autres dossiers de la santé, notamment celui de la médecine libérale ?
C'est la question centrale. Quel réseau de santé et de soins tisse-t-on entre tous les intervenants de la santé dans la capitale ? Je pense qu'il y a des problèmes d'égalité d'accès aux soins à Paris. On a laissé disparaître les centres de santé, créant un manque qui explique en partie les problèmes des urgences. Il faut rouvrir des centres de santé, voir où en sont ceux qui ont subsisté, étudier les moyens que l'on pourrait mettre en uvre - permettre par exemple des plages horaires d'ouverture plus grandes - pour qu'ils répondent à des besoins de soins de proximité aujourd'hui satisfaits par l'hôpital mais dans de mauvaises conditions. Il y a là tout un travail à faire, en partenariat avec l'Assistance publique. Et puis nous défendons un certain nombre de priorités de santé publique, au premier rang desquelles figurent la mise en place du dépistage du cancer du sein, mais aussi le dépistage du cancer colo-rectal, ainsi que tout ce qui touche aux conduites addictives. Nous voulons également relancer la campagne de sensibilisation sur le SIDA et nous atteler au saturnisme. Enfin, nous voulons réfléchir à un travail de santé publique autour de l'épidémiologie, notamment pour les maladies liées à la pollution.
Les urgences sont un point noir du système de santé parisien. Vous pencherez-vous sur ce dossier ?
Les urgences ne doivent et ne peuvent pas rester en l'état et les élus doivent s'attaquer à ce dossier. Car c'est par ce biais qu'ils sont saisis de la question hospitalière. Dans mon arrondissement - le 10e -, quand on me parle de Lariboisière, de Saint-Lazare ou de Saint-Louis, c'est soit pour louer leurs services très performants, soit pour se plaindre. Et que me dit-on quand on se plaint ?
« On a attendu trois heures aux urgences avec la grand-mère »
. On me rend responsable de cette situation parce que l'on considère que c'est du service public de proximité. Les urgences sont le premier lien entre la Ville et l'hôpital. Je n'ai pas de vision toute faite mais la Ville se doit de trouver des solutions.
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