L 'INDEMNISATION de l'aléa thérapeutique est une question débattue depuis de nombreuses années. Une vingtaine de projets et de propositions de loi se sont succédé sans succès, faute d'oser dire qui doit payer (l'Etat, les professionnels et établissements de santé, les assurés ?). Un problème compliqué par une jurisprudence parfois contradictoire et qui a considérablement élargi le champ de la responsabilité médicale. Le gouvernement actuel devait régler la question avec le projet de loi de modernisation sanitaire, mais celui-ci a pris du retard car, précisément, les arbitrages interministériels sur l'indemnisation de l'aléa thérapeutique et l'assurabilité des risques aggravés sont difficiles.
C'est pourquoi le Pr Claude Huriet, sénateur centriste de Meurthe-et-Moselle, a décidé de s'attaquer directement au problème. Il vient de déposer une « proposition de loi relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale » dont, affirme-t-il, les principales dispositions peuvent être immédiatement applicables.
La solidarité nationale
Faisant un sort à nombre de propositions précédentes, Claude Huriet considère que la création de commissions ou de fonds d'indemnisation est « une fausse bonne idée » qui, au lieu d'accélérer le règlement des procédures, risquerait de le ralentir dans la mesure où des recours seraient possibles. Aussi sa proposition, « brève, simple sur le plan institutionnel » ne crée « ni fonds, ni commission d'indemnisation, ni troisième ordre de juridiction », pas plus qu'elle n'institue de taxe ou de prélèvement à la charge des patients, des professionnels de santé ou des assureurs.
Pour le Pr Huriet, en effet, c'est à « la solidarité nationale, à travers l'assurance-maladie » de prendre en charge « les préjudices graves, non fautifs et anormaux susceptibles de résulter de l'accès au système de soins ». C'est ce que prévoit l'article premier de sa proposition, en précisant que le dommage doit être sans relation avec l'état du patient ou son évolution prévisible. La réparation aura lieu lorsque la juridiction compétente (judiciaire ou administrative) aura établi le caractère non fautif, grave et anormal du dommage.
Soucieux cependant d' « éviter une dérive des finances publiques », le sénateur renvoie aux Français la responsabilité de l'assurance pour « les risques de faible importance », aux établissements de santé celle des dommages résultant d'infections nosocomiales et à l'Etat celle de l'organisation de la prise en charge des conséquences des accidents médicaux sériels, comme la contamination transfusionnelle par le VHC
La proposition prévoit aussi une prescription de dix ans, à compter de la consolidation du dommage, pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des médecins ou des établissements de santé. Elle se préoccupe également d'améliorer le règlement des litiges, qui actuellement dure parfois jusqu'à plus de dix ans, en créant des commissions régionales de conciliation : présidées par un magistrat, elles réuniraient des représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé et des personnalités qualifiées.
En accord avec les associations
Enfin, selon le dernier et non négligeable article, tous les médecins et sages-femmes seraient tenus de souscrire une assurance de responsabilité à raison de leur activité.
Claude Huriet estime que sa proposition, qui devrait être discutée lors d'une fenêtre parlementaire au Sénat en avril ou mai, « apportera des solutions plus justes aux difficultés rencontrées par les patients et sera de nature à durablement préserver la qualité de la relation médecin-malade ». Les associations représentant les patients, qu'il a consultées, y sont plutôt favorables. Si certaines auraient préféré la création d'un fonds d'indemnisation, elles approuvent un texte qui ferait enfin avancer les choses. Quant à la charge pour l'assurance-maladie, elle devrait être acceptable, bien qu'il soit difficile de l'évaluer en l'absence de données représentatives sur les indemnisations.
Le sénateur Huriet rappelle avec malice qu'Elisabeth Guigou, alors ministre de la Justice, avait promis en 1998, lors de la discussion sur les risques des produits défectueux, une « solution spécifique » pour l'aléa thérapeutique. Quant à Bernard Kouchner, de longue date préoccupé par la question, ne pourrait-il faire du soutien à cette proposition « un cadeau de bienvenue » ?
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