L' HISTOIRE de cet homme, un veuf de 68 ans, commence un jour de septembre 1998 : il téléphone, anxieux, à son fils pour lui dire qu'en se réveillant de sa sieste, il a perdu la mémoire.
De façon très cohérente, il lui explique qu'il n'a plus aucun souvenir de ce qui s'est passé depuis que sa femme est morte (cela fait trois ans) ; et qu'il ne sait plus comment se rendre chez des amis à lui.
Six semaines plus tôt, il avait eu le même genre de problème, là encore au sortir d'une sieste ; il avait, entre autres, oublié de se rendre aux 18 ans de sa fille. Bref, c'est à la suite de ce coup de téléphone passé à son fils qu'il est examiné. Cet homme, hypertendu et ayant fait un infarctus douze ans plus tôt, n'a pas de trouble psychiatrique, pas de migraine, pas d'épilepsie. A l'examen, on constate une amnésie rétrograde pour les faits remontant à quinze jours, et une amnésie partielle sur les cinquante dernières années. Il a 30/30 au Mini-Mental Test de Folstein et a des réponses normales aux tests évaluant les fonctions des lobes frontaux, pariétaux et temporaux.
Le diagnostic provisoire est celui d'amnésie globale transitoire (TGA, pour Transient Global Amnesia).
L'homme passe les cinq jours suivants chez son fils, qui remarque que « chaque fois qu'il dort, il oublie ». Chaque matin, en effet, il répète les même questions, demandant pourquoi il est chez son fils.
Trois mois plus tard, en décembre 1998, il se produit un nouvel épisode. Il est examiné dans les trois heures. Il n'y a pas d'amnésie antérograde mais une amnésie rétrograde portant sur quelques semaines. Dans les huit mois qui suivent, il a trois nouveaux épisodes, à chaque fois au réveil.
Conscient de ce qu'il lui arrive
A chaque fois, l'homme est très conscient de ce qu'il lui arrive. L'IRM cérébrale ne montre que des modifications mineures (atrophie discrète atrophie, ischémie modérée de la substance blanche, à prédominance frontale). L'EEG standard est normal. En revanche, lors d'une privation de sommeil (et un peu pendant le sommeil), on constate des ondes anormales dans les régions temporales, particulièrement à gauche. Les tests cognitifs sont normaux. Devant ces signes très évocateurs d'épilepsie, on introduit un traitement par carbamazépine en septembre 1999 ; dès lors, il n'y a plus aucun épisode amnésique ; au bout de neuf mois, le traitement est interrompu en raison d'effets secondaires mais, quatre mois plus tard, un nouvel épisode se produit et le traitement est repris. En janvier 2001, l'homme va bien, n'ayant pas eu un seul épisode d'amnésie.
Ce tableau remplit les critères diagnostiques d'amnésie épileptique transitoire (TEA pour Transient Epileptic Amnesia) établis par Zeman et Hodges, notamment :
- il doit y avoir une histoire d'épisodes récurrents d'amnésie transitoire, qui peut atteindre la mémoire antérograde, la mémoire rétrograde ou les deux ;
- les fonctions cognitives autres que la mémoire pendant des épisodes typiques doivent être jugées intactes par un témoin crédible ;
- il doit y avoir des signes sous-jacents d'épilepsie partielle (décharges épileptiformes à l'EEG ; occurrences d'autres types de crises ; réponse nette aux anticonvulsivants - abolition ou franche diminution de fréquence des crises).
Le terme TEA a été utilisé pour la première fois par Kapur en 1990 ; l'équipe de Zeman a dénombré 21 cas rapportés et en a décrit 11 de plus. La TEA est plus fréquente chez l'homme ; l'âge moyen du début est de 60 ans ; la TEA peut être distinguée de l'amnésie globale transitoire (TGA) par la fréquence des épisodes : dans cette dernière, seuls 3 % des patients ont une récurrence dans l'année ; en revanche, dans la TEA, les patients ont en moyenne trois épisodes par an.
Les crises surviennent surtout au réveil. Les patients peuvent avoir quelques troubles permanents de la mémoire autobiographique.
Bryan Corridan et coll. (Royaume-Uni). « The Lancet » du 17 février 2001, p. 524 .
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