Qui a parlé d’idéologie ? Le rapport du Dr Jean Carlet sur l’antibiorésistance remis le 23 septembre affiche un réel pragmatisme… contesté quelques jours plus tard par l’un des spécialistes français des maladies infectieuses, le Pr Didier Raoult. L’augmentation de l’antibiorésistance serait-elle un épouvantail agité pour faire peur ? À Marseille du moins, entre 2001 et 2015, le phénomène n’a pas été observé. Sur les dix bactéries pathogènes les plus fréquemment recensées, les taux de résistance ont soit peu augmenté, soit diminué. En ce qui concerne le staphylocoque doré, la résistance à la méticilline a même régressé passant de 33,4 % en 2001 à 12,8 % aujourd’hui. Le même exemple est toutefois cité dans le rapport Carlet pour justifier l’absence de fatalisme dans ce domaine. Reste que le ministère de la Santé est loin de partager cet optimisme marseillais. Et défend l’idée d’une course contre la montre. L’hôpital dans ce domaine n’est pas le bon élève, même s’il affiche des meilleurs résultats que la médecine libérale. Dans les années 2010, la consommation est repartie à la hausse. Sur ce critère, la France se classe au 7e rang européen. Peut mieux faire... D’où l’assignation d’objectifs ambitieux. À l’horizon 2020, le pourcentage de traitements antibiotiques de plus de sept jours non justifiés devra être inférieur à 10 %. Surtout le contrôle à l’hôpital devrait être plus contraignant. Aujourd’hui, l’indicateur composite du bon usage des antibiotiques (ICATB) est de nature déclarative. D’où des données biaisées dues à une surestimation. Le rapport suggère donc l’envoi des éléments de preuve aux ARS. Autre suggestion, certains indicateurs seraient obligatoires comme le nombre de médecins référents en infectiologie ou le niveau des formations des prescripteurs. Les crédits nécessaires à cette mise en œuvre seront-ils sanctuarisés, comme le recommande le rapport ? Enfin, la lutte contre l’antibiorésistance devrait figurer comme une des pratiques exigibles prioritaires dans le prochain guide de certification. Dans ce cadre de l’évaluation des établissements de santé, un volet obligatoire « Évaluation de l’antibiothérapie » devrait être ajouté dans les enquêtes nationales quinquennales de prévention des infections associées aux soins.
Deux nouvelles molécules en trente ans
Au-delà d’une plus grande rigueur dans la prescription, la recherche de nouveaux agents antimicrobiens revêt un enjeu majeur. Le communiqué de presse reprend le concept de statut à part pour les antibiotiques afin de favoriser la recherche. La mise en place de cette exception repose sur un constat. Depuis une trentaine d’années, seules « deux nouvelles molécules ou stratégies thérapeutiques ont été développées en antibiothérapie », lit-on dans le rapport. Au-delà des aléas de la recherche, la découverte de nouveaux antibiotiques se révèle peu rentable par rapport aux autres sphères thérapeutiques. Les auteurs pointent ce paradoxe où l’on demande aux industriels de développer de nouveaux antibiotiques alors que les prescripteurs seront incités à les prescrire le moins possible. Dans ce contexte, le groupe de travail propose de « revaloriser l’équation économique ». Le levier de la fiscalité est l’une des pistes envisagées avec le renforcement du crédit impôt recherche. L’accélération des étapes du développement est une autre recommandation.
Objectif : passer sous la barre des 10 000 morts par an
Enfin, cette mobilisation se traduit également par des engagements politiques. Deux objectifs principaux sont avancés par Marisol Touraine. La mortalité due à l’antibiorésistance doit passer en dessous de la barre symbolique des 10 000 décès. Elle serait responsable aujourd’hui de 13 000 morts par an. Quant à la consommation d’antibiotiques, elle devra être réduite de 25 %.
Pour être efficace, ce plan d’action sera relayé dans un premier temps au niveau européen puis international. Le prochain G7 santé qui s’est tenu à Berlin est une première étape.
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