L ES anti-handiphobie, qui regroupent à ce jour 200 familles de handicapés, poursuivent leur croisade contre la décision du 17 novembre 2000 de la plus haute juridiction française. Elle autorise Nicolas Perruche, 17 ans, né « débile profond, sourd et presque aveugle », à « demander », comme il le souhaite, « réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».
« Commises par le médecin et le laboratoire (elles) avaient empêché (la mère) d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap. » Josette Perruche, dont la fillette de 4 ans avait contracté la rubéole au moment de sa grossesse, a subi des tests assurant qu'elle était immunisée contre la maladie.
Pour le Collectif des parents contre la handiphobie (CPCH), c'en est trop. Il voit l'arrêt de la Cour de cassation « comme un regard violent porté sur (ses) enfants, une agression forte ». Aussi a-t-il assigné l'Etat devant le tribunal d'instance de Paris, le 1er décembre, « en responsabilité pour faute lourde du service public de la justice, conformément à l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire » (« le Quotidien » du 4 décembre). Pour le collectif, la justice a permis « d'entamer une action pour préjudice de vivre ».
Une créance exigible
En outre, le CPCH dénonce le « cynisme » de la Sécurité sociale, qui, au niveau de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de l'Yonne, « s'apprête à tirer les conséquences financières » de la décision judiciaire . « Elle a fixé le montant, dit-il, qu'elle entend demander aux assurances du médecin et du laboratoire pour réparer le préjudice qu'elle aurait subi dans le cadre de cette affaire. »
Or, que stipule l'arrêt Perruche ? « Les fautes » du médecin et du laboratoire d'analyses médicales « sont génératrices du dommage subi par l'enfant, du fait de la rubéole (non décelée) de sa mère », rappelle au « Quotidien » Dominique Pacini, directeur de la caisse d'Auxerre. Et de poursuivre : « Il en résulte pour la CPAM de l'Yonne que sa créance est "certaine et exigible". » De la naissance de Nicolas, en 1983, à la date du 18 août 1999, son montant « provisoire », retenu par la justice à partir des factures réglées par l'assurance-maladie à différents établissements publics s'étant occupé du jeune handicapé, était de 5 345 091,94 F. La 1re chambre de la cour d'appel de Paris, saisie du dossier, devra commettre un expert médical qui arrêtera le montant exact et définitif des frais remboursés par la Sécurité sociale. A 20 ans, Nicolas sortira du centre spécialisé où il se trouve actuellement. S'il retourne dans sa famille à cet âge, dit « adulte » pour les handicapés lourds, la prise en charge à domicile coûtera 40 000 F par mois. La cour d'appel de Paris, qui, dans le même temps, évaluera le montant des indemnités du préjudice corporel subi par Nicolas, à la charge de la MACSF et de la Mutuelle des pharmaciens, rendra son arrêt au plus tôt dans un an. Dans tous les cas, la reconnaissance d'une dette contractée par la CPAM fait partie de la procédure judiciaire.
C'est l'avocat des époux Perruche, Me Jean-Louis Chalanset, qui a assigné la Sécurité sociale, le 20 février 1990, devant le tribunal de grande instance d'Evry (Essonne), au même titre que le Dr P. et le laboratoire de biologie médicale. Dès lors, la justice ayant mis l'accent sur des « faits imputables à un tiers », le conseil de la CPAM a fait en sorte que le jugement du 13 janvier 1992 du tribunal de grande instance d'Evry soit opposable à la Sécurité sociale, de façon à se retourner contre le médecin et le laboratoire. « Nous sommes dans le champ même de la loi, comme en témoigne l'article L 376-1 du code de la Sécurité sociale, souligne Dominique Pacini. Pour les services de la CPAMde l'Yonne, le dossier Perruche, tout en présentant un caractère juridique, avec un aspect éthique et éminemment humain, est administratif. Il est géré selon la procédure du droit commun. Maintenant, insiste-t-il, le recouvrement des frais demandés n'interfère pasavec les sommes dues par les responsables aux plaignants. Quant à imaginer l'abandon par la caisse de sa démarche, cela équivaudrait à une remise de dette au praticien et au laboratoire reconnus responsables, et dont les Perruche ont recherché, par voie de justice, la condamnation du fait de leurs fautes. »
Des indemnisations à venir
A cet égard, la cour d'appel de renvoi d'Orléans a affirmé, le 5 février 1999, que le seul lien avec les « fautes » avérées est la naissance de Nicolas, laquelle « ne peut être considérée comme une chance ou une malchance, dont il ne peut être tiré des conséquences juridiques ». En somme, il n'y a pas de coupables de l'état de santé de l'enfant, hormis le virus de la rubéole.
Ainsi, Nicolas Perruche, qui a bénéficié d'une provision de 500 000 F à la suite de l'arrêt du 17 novembre dernier, devra attendre sans doute plus d'un an, voire dix-huit mois, avant de savoir combien lui verseront les assurances du médecin et du laboratoire d'analyse. Au préalable, la même juridiction, c'est-à-dire la 1re chambre de la cour d'appel de Paris, fixera, probablement en juin prochain, le montant des indemnités à allouer aux époux Perruche et à la sœur de Nicolas pour préjudice moral, et à Mme Perruche, en raison d'un dommage matériel due à une dépression qui a entraîné un arrêt de travail.
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