Arthrite de Lyme post-infectieuse, la persistance d'un antigène bactérien articulaire ouvre de nouvelles pistes

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Publié le 18/06/2019
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Crédit photo : PHANIE

Pourquoi une oligo-arthrite de Lyme peut-elle persister dans certains cas après traitement antibiotique ? Des chercheurs américains apportent du nouveau dans les « Proceedings of the National Academy of Sciences » (PNAS) avec la mise en évidence d'un antigène bactérien pro-inflammatoire persistant de type peptidoglycane (PG) dans le liquide synovial.

D'après les travaux de l'équipe de Brandon Jutras et de Christine Jacobs-Wagner de la Yale University, ce PG, qui est un composant de l'enveloppe cellulaire, joue un rôle contributeur fort dans l'arthrite inflammatoire post-infectieuse, étant à la fois persistant et immunogène.

« Cette découverte aidera les chercheurs à améliorer les tests diagnostiques et pourrait conduire à de nouvelles options thérapeutiques chez les patients ayant une arthrite de Lyme, estime Brandon Jutras, premier auteur. C'est un résultat important, et nous pensons que cela a des implications majeures dans plusieurs manifestations de la maladie de Lyme, pas seulement l'arthrite de Lyme. »

Formes secondaires de la maladie

En l'absence de traitement antibiotique lors de la phase primaire caractérisée par l'érythème migrant, des formes secondaires peuvent apparaître, touchant principalement de grosses articulations comme le genou. Si le traitement antibiotique est en général efficace à tous les stades de la maladie, il pourrait persister dans certains cas – environ 10 % selon l'étude –, une arthrite inflammatoire post-infectieuse, dont la physiopathologie n'est pas complètement élucidée. 

La polémique actuelle autour de la maladie de Lyme porte sur la question de l'existence de formes chroniques polymorphes, revendiquée par des associations de patients avec le soutien de quelques médecins – dont le Pr Christian Perronne –, mais non reconnue par les spécialistes de la Société de pathologie infectieuse (SPILF). La Haute Autorité de santé a souhaité apaiser le débat en appelant à poursuivre les recherches sur ce qu'elle dénomme par le terme « syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique » (SPPT).

Chez des sujets ayant une arthrite post-infectieuse

Dans cette étude, les chercheurs ont travaillé à partir de prélèvements effectués chez quelques patients (n = 34) ayant été traités pour une arthrite de Lyme par antibiotiques (par voie orale ou IV) à la symptomatologie monoarticulaire persistante. L'étude ne précise pas la définition précise de la persistance, en particulier ≤ 6 mois par rapport au traitement antibiotique. 

Préalablement, l'équipe a montré que le PG de Borrelia burgdoferi est atypique par rapport aux PG d'autres pathogènes : la bactérie spirochète le relargue dans le milieu extérieur lors de sa croissance mais sans le recycler pour son renouvellement. Le PG peut persister dans l'articulation après éradication du pathogène par un traitement antibiotique.

« Nous pouvons vraiment détecter le PG dans le liquide synovial des articulations atteintes inflammatoires chez des patients qui ont tous les symptômes de l'arthrite de Lyme mais qui n'ont plus une infection active évidente », a rapporté Brandon Jutras.

Une réponse immunitaire contre le composant bactérien

À partir des prélèvements synoviaux de patients comparés à des contrôles, l'équipe a détecté le PG dans le liquide synovial dans 94 % des prélèvements synoviaux, ainsi que des cytokines pro-inflammatoires similaires à celles produites par des cellules mononucléées périphériques en réponse à la stimulation par le PG.

Les chercheurs ont mis en évidence l'existence d'immunoglobulines G dirigés spécifiquement contre le PG de la borréliose. De plus, chez ces patients, les taux étaient significativement plus élevés dans le liquide synovial que dans le sérum. Enfin, dans un modèle murin, les chercheurs ont constaté que l'administration systémique de PG provoque une arthrite aiguë.

Des pistes au-delà des antibiotiques 

Ces résultats pourraient expliquer pourquoi dans certains cas les antibiotiques ne sont plus suffisants. L'équipe poursuit actuellement ses recherches sur le composant bactérien et en particulier sur la possibilité qu'il soit impliqué dans « l'immunopathogenèse d'autres manifestations de la maladie de Lyme », est-il indiqué.

« Nous nous intéressons à comprendre tout ce qui touche à la façon dont les patients répondent, comment il est possible de prévenir cette réponse et comment il est possible d'intervenir avec des traitements bloquants ou éliminant la molécule entièrement », explique Brandon Jutras. Au-delà des immunomodulateurs ou immunosuppresseurs parfois utilisés (hydroxychloroquine, méthotrexate) dans ces cas post-infectieux, ces nouveaux résultats suggèrent que des traitements ciblant l'immunité innée pourraient être utiles, « tels que les anti-TNF ou les inhibiteurs NF-κB », écrivent-ils.


Source : lequotidiendumedecin.fr