Reflux gastro-œsophagien

Attention au surdiagnostic et au surtraitement

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Publié le 05/04/2018
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« Le RGO n’est pas une maladie mais un phénomène physiologique qui se produit plusieurs fois par jour chez tout un chacun », prévient le docteur Olivier Mouterde, gastropédiatre au CHU-Hôpitaux de Rouen.

De fait, « poser à tort ce diagnostic a des conséquences sur les familles et les médecins qui ont alors tendance à l’accuser ensuite de tous les maux et cherchent à le traiter indûment », renchérit-il. Tous les enfants ont donc un RGO mais il est vrai qu’il est « plus fréquent et plus abondant chez le nourrisson en raison de la quantité de liquide bue par jour, relativement à son poids et à la capacité de son œsophage », explique le Dr Mouterde. Il ajoute que parmi eux, « 60 % vont manifester ce RGO sous forme de régurgitation et une petite proportion seulement va avoir des conséquences néfastes ». Il estime donc que « mieux vaut banaliser les régurgitations que de se lancer dans l’aventure du diagnostic et du traitement d’un reflux simple ». Il est important de distinguer le reflux « typique » du reflux « atypique ». Le premier se manifeste par des régurgitations, une œsophagite peptique dans de très rares cas et plus couramment sous forme de pyrosis chez l’enfant au-delà de l’âge du nourrisson. Le problème est que « les jeunes enfants ne sont pas capables de se plaindre d’un pyrosis et l’on constate donc un grand trou dans la demande de soins pour les reflux typiques jusqu’à 6, 7 ans », constate le Dr Mouterde. Quant au reflux atypique, il s’avère être « la situation où des traitements sont actuellement prescrits quand on l’accuse de manifestations extradigestives comme les otites, l’asthme, les laryngites, les pleurs du nourrisson… ». Allant jusqu’à qualifier le RGO de « phénomène sociologique », le Dr Mouterde s’inquiète du fait que l’« on évoque trop facilement le diagnostic de reflux alors que les preuves de sa responsabilité dans toutes les circonstances évoquées sont souvent pauvres et les résultats des études contrôlées très décevants ».

Halte à la surprescription d’IPP

Le fait que les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) soient de plus en plus prescrits chez l’enfant par les pédiatres, pneumopédiatres et ORL, le plus souvent en dehors des indications précisées par l’autorisation de mise sur le marché (AMM), voire des recommandations officielles, inquiète le Dr Mouterde : « Il faut absolument arrêter de traiter les pathologies attribuées de manière empirique au reflux par des IPP dont l’intérêt est discuté dans ces circonstances et dont on sous-estime de manière très importante les effets secondaires chez l’enfant ». De fait, le traitement par IPP « n’a aucun effet sur la survenue et le volume du RGO lui-même et il est susceptible d’être efficace uniquement lorsque l’acide est en cause, ce qui n’est pas prouvé pour de nombreuses pathologies extra-digestives réputées dues ou aggravées par le reflux ». Ces dernières ne sont donc « pas une indication à un traitement par IPP en première intention, quel que soit l’âge de l’enfant. En dehors du pyrosis chez le grand enfant, il est recommandé d’apporter la preuve d’une lésion ou d’un RGO pathologique avant de débuter un tel traitement », conclut le Dr Mouterde.

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9654