LA COELIOCHIRURGIE améliore la qualité de vie en réduisant les cicatrices, la douleur postopératoire et la durée de séjour hospitalier. Il semble qu'elle ait aussi un impact psychologique favorable, notamment en gynécologie. Les femmes ne portant pas de stigmates visiblse de leur maladie en auraient peut-être moins de séquelles psychiques. Une étude sur l'évaluation de la qualité de vie après laparoscopie (l'étude Canut de D. Dargent à Lyon) est en cours actuellement.
La diminution des pertes sanguines est un autre avantage car cette chirurgie doit être très minutieuse et s'accompagne d'un moindre traumatisme opératoire par rapport à la chirurgie conventionnelle. Enfin, globalement, c'est une chirurgie moins coûteuse pour les raisons évoquées plus haut.
Toutefois, la haute technicité de cette méthode demande un savoir-faire qui implique une formation spécifique indispensable. L'habileté du chirurgien est au premier plan. La maîtrise de la cœliochirurgie est devenue un critère de qualité pour un chirurgien viscéraliste. D'autant que cette méthode n'est pas dénuée d'inconvénients : elle est pourvoyeuse de complications spécifiques qui dépendent aussi pour beaucoup de la dextérité de l'opérateur.
Une étude canadienne (1) sur 400 cancers du col comparant la coeliochirurgie et la laparoscopie montre que les complications urinaires sont plus importantes avec la première qu'avec la seconde.
La coeliochirurgie oblige à une sélection des cas, même si les chirurgiens expérimentés en repoussent les limites : certains grands obèses et les patients ayant déjà subi plusieurs interventions au niveau de l'abdomen doivent en être exclus.
Enfin, la durée opératoire est plus longue, mais ce n'est pas un inconvénient car la réanimation, à l'inverse, est plus courte.
Des résultats identiques.
On aurait pu redouter une dégradation des résultats en termes de récidive et de durée de survie du fait d'un risque moindre de radicalité des interventions par coeliochirugie et ou de dissémination métastatique peropératoire ou dans le péritoine le long des trajets des trocarts.
En fait, la coeliochirurgie n'est qu'une voie d'abord chirurgicale et l'opération réalisée doit être identique à celle qui serait pratiquée en chirurgie ouverte. Là encore, c'est une question d'entraînement à la technique.
Si des cas de dissémination péritonéale ou de métastases le long des trajets du trocart ont été décrits à plusieurs reprises dans la littérature, il n'a jamais été prouvé qu'ils étaient statistiquement plus fréquents que par laparotomie et qu'ils ne puissent être prévenus par une technique rigoureuse.
Enfin, en 2004, plusieurs études ont montré l'équivalence des résultats des interventions par coeliochirurgie ou par laparotomie. Ainsi, dans l'étude canadienne sur le cancer du col, il n' y a pas plus de récidives après cœliochirugie qu'après chirurgie conventionnelle.
Deux grandes études randomisées ont été publiées concernant la chirurgie des cancers colo-rectaux.
La première (2) a été réalisée à Hong Kong sur 400 cas : 200 en chirurgie ouverte et 200 par coeliochirurgie. Elle ne montre aucune différence significative en termes de survie et de risque de récidive en fonction du type de chirurgie...
Une autre étude américaine (3, 4) du groupe d'étude des traitements chirurgicaux a porté sur 48 hôpitaux dont les 800 patients ont été randomisés pour être traités soit par chirurgie conventionnelle, soit par coeliochirurgie. Elle ne montre pas de différences en termes de récidives et de survie.
Poser les bonnes indications en cancérologie.
Il est donc justifié de faire bénéficier les patients de cette technique lorsqu'elle est bien maîtrisée (5). Actuellement, beaucoup de cancers peuvent bénéficier de la coeliochirurgie à condition qu'elle soit réalisée dans les conditions de rigueur absolue et par des chirurgiens très compétents. D'ailleurs, à l'avenir, les critères d'agrément vont sans doute tenir compte des compétences en coeliochirurgie du cancer, ce qui impliquera un volume d'activité important.
Comme pour toute technique, la sélection des malades et des bonnes indications est importante : les « petites » tumeurs gynécologiques, les cancers de l'endomètre, les tumeurs digestives qui n'ont pas encore atteint la séreuse sont de bonnes indications.
D. Dargent a mis au point à Lyon un traitement conservateur du cancer du col au cours duquel l'utérus et les ovaires restent en place, gardant une possibilité de procréation à la patiente.
Les indications doivent être pesées et discutées et, même si celles-ci sont en train de s'élargir, il faut rester prudent car plus la tumeur est volumineuse, plus elle est grave et plus elle a de risques de récidives et, lors d'une récidive, la question de la responsabilité de la coeliochirurgie sera posée et un problème médico-légal pourrait surgir.
Enfin, la coeliochirurgie est intéressante pour le traitement prophylactique des cancers lorsqu'il y a un facteur génétique prédisposant (ovaires ) et pour la restadification après traitement incomplet du cancer de l'ovaire.
Dans l'avenir, l'évolution des techniques avec l'utilisation de la robotique améliorera la maîtrise du geste et pourra gommer les imperfections du chirurgien. Les progrès de l'imagerie 3D et de l'informatique permettront de modéliser l'intervention avant de la réaliser et comme il s'agit d'une chirurgie sur écran, on peut imaginer qu'un chirurgien senior puisse assister à distance un jeune chirurgien ! Ces appareils ont un coût qui est compensé néanmoins par les avantages qu'ils apportent.
Conclusions.
La coeliochirurgie se développe dans tous les domaines. Elle a sa place en cancérologie et elle représente une technique d'avenir à condition de respecter les critères de sélection et d'appliquer la même rigueur qu'avec la chirurgie conventionnelle.
D'après un entretien avec le Pr Jacques Dauplat, centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand.
(1) Rosen B., Murphy J., Laframboise S., Petrillo D. and Covens A. A comparison of laparoscopic-assisted radical vaginal hysterectomy and radical abdomen hysterectomy in the treatment of cervical cancer. « Gynecol Oncol », 93 (2004), 588-593.
(2) Ka Lau Leung, Samuel P. Y., Steve C. W. Lam, Janet F. Y. Lee, Raymond Y. C. Yiu, Simon S. M. Ng, Paul B. S. Lai, Wan Lee Lau. Laparoscopic resection of rectosigmoïd carcinoma. Prospective randomised trial. « The Lancet », vol. 363, April 10, 2004, 9416, 1187-1192.
(3) The Clinical outcomes of Surgical Therapy Study Group. A comparison of laparoscopically assisted and open colectomy for colon cancer. « N Engl J Med » 2004 May 13 ; 350 (20) : 2050-2059.
(4) Pappas T. N., Jacobs D. O. Laparoscopic resection for colon cancer : the end of the beginning ? « N Engl J Med » 2004 May 13 ; 350 (20) : 2091-2092.
(5) Scott Mc Meekin D. Laparoscopic management of cervical cancer :because we can or because we should ? « Gynecol.Oncol », 93 (2004), 586-587.
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