classique
par Olivier Brunel
F IEVRE des grands soirs au 45, rue de La Boëtie, en ce jour de réouverture de la salle Gaveau que l'on n'a pas vu aussi pleine depuis des lustres, légendaire par ses proportions humaines et sa parfaite acoustique. On n'a pas pu, hélas ! remédier aux terribles courants d'airs qui vous assaillent dès l'entrée et persistent sournoisement à l'état de tapis jusque dans la salle. On constate au passage que l'on n'a pas davantage pu obvier à la mauvaise humeur du personnel d'accueil, ni à l'étroitesse des voies de circulation, ni à l'absence de dégagements qui rendent, quand la salle avec ses mille et vingt places est pleine, tout déplacement pendant l'entracte illusoire.
Mais, c'est un grand progrès, le parquet de chêne, réparé et restitué à l'original, sans moquette, ne craque plus et le confort des fauteuils refaits dans leur couleur « bouton d'or » originale est réel. Si la couleur d'un gris clair triste des murs n'est pas des plus heureuses, les beaux lustres ont été restitués et un système d'éclairage de la scène moderne discrètement installé.
Même si une tranche des travaux reste à faire (le coût de leur première partie s'est élevé à 23 millions de francs, subventionné à 75% par la direction régionale des Affaires culturelles d'Ile-de-France, la région Ile-de-France et la Ville de Paris), beaucoup d'améliorations techniques non visibles ont été menées, comme le système de chauffage, assez satisfaisant n'était le fameux courant d'air aux pieds !
C'est dans ce cadre et une ambiance très favorable que Roberto Alagna est apparu, aminci mais curieusement raccourci par une longue redingote de style Directoire. Accompagné par l'orchestre des Concerts Lamoureux, dirigé avec grand soin et une belle versatilité par le maestro Anton Guadagno, grand habitué du répertoire italien, qui fut un temps l'accompagnateur privilégié de Montserrat Caballé.
Débutant, avec une incursion dans le répertoire de baryton, avec la Sérénade « Deh vieni alla finestra » du Don Giovanni de Mozart, le beau Roberto a aussitôt plongé dans ses racines siciliennes avec une « Danza » de Rossini très enlevée, dont l'écho s'est prolongé avec de nombreux bis consacrés à des chansons traditionnelles italiennes chantées avec autant de chic que d'enthousiasme.
Au cours de ce récital, Alagna a montré son amour et son savoir-faire dans le répertoire français, dont il vient de réaliser un enregistrement pour son éditeur EMI avec un « air de la fleur » de Carmen, parfaitement phrasé, le périlleux « Rachel quand du Seigneur... » de « la Juive », d'Halévy, superbement mené. Indiscutablement autant à l'aise dans le répertoire belcantiste léger, il a brillé avec « Una furtiva lagrima » et « Tombe gegli avi miei », de Donizetti.
Compte tenu de la taille de la salle, il s'est bien tiré d'airs plus dramatiques du répertoire vériste comme « Recitar », du Paillasse de Leoncavallo, ou Calaf de « Turandot », de Puccini, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'ils ne conviennent pas à son type vocal. Roberto Alagna a entièrement mérité l'accueil chaleureux du public devant tant de sympathie et de générosité vocale.
Reste à la direction de Gaveau l'énorme tâche de redonner au public le goût de reprendre le chemin d'une salle qui eut longtemps le monopole des récitals instrumentaux et de la musique de chambre. Une programmation et un marketing subtils devront être utilisés pour attirer tout un nouveau public dans ce lieu, dont l'excellente acoustique que l'on a pu constater et qui est le point faible de beaucoup d'autres salles, devrait être un argument de poids.
Salle Gaveau (01.49.53.05.07)
« La folle journée d'Ivan Ilitch » à Nantes
Les 26, 27 et 28 janvier auront lieu à la Cité des congrès de Nantes, les « Folles Journées », grande manifestation musicale populaire, consacrées cette année à la musique russe.
C 'EST un vaste programme que se proposent de couvrir ces journées, jusqu'à maintenant toujours consacrées à un seul compositeur. Les concerts s'étalant de 10 à 22 heures durent tous au maximum 45 minutes. Deux cent cinquante uvres seront jouées dont la quasi-intégralité de la musique de chambre de Tchaïkovski, Moussorgski, Glazounov, Glinka, Borodine, Scriabine, Rimski-Korsakov, Rachmaninov, Prokofiev, Stravinski, Chostakovitch ainsi qu'un large éventail de leurs uvres chorales, concertantes, instrumentales et orchestrales. D'autres compositeurs moins connus, tels Arenski, Lourié, Taneïev et Schnittke, seront aussi représentés dans cette vaste programmation.
Un orchestre russe, le Symphonique de Saint-Pétersbourg, et de nombreuses formations françaises assureront l'interprétation des uvres ainsi que la Capella de Saint-Pétersbourg, le chur de l'Oural, celui du patriarcat de Moscou et l'Estonian Philharmonic Chamber Choir et des solistes de tous horizons parmi lesquels on distingue les noms de Nelson Freire (Brésil), Boris Berezovski, Vadim Repim et Nikolaï Lugansky (Russie), Barry Douglas (Royaume-Uni), Hélène Grimaud, Renaud Capuçon, Paul Meyer, Philippe Bernold, Romain Guyot, Gérard Caussé (France), Pieter Wispelwey (Pays-Bas).
Comme l'an dernier avec les journées J.S Bach, la formule sera exportée au centre culturel de Belém à Lisbonne au début du mois de mars 2001. BMG classics édite à cette occasion deux coffrets tirés du catalogue « Melodiya ». Pratiquement toutes les uvres de musique symphonique et concertante contenues dans un coffret de 6 CD à tirage limité « l'Ame russe » seront interprétées durant le festival et en complément de ce coffret « les Larmes de la musique russe » propose en un CD un résumé de la musique russe.
Les « Folles Journées » de Nantes. Renseignements et réservations : 0.825.02.02.03. Prix des places : de 30 à 90 F.
« Giselle », d'Adolphe Adam, par le Ballet national de Finlande, au Châtelet
De la légende au théâtre
Le Théâtre du Châtelet vient d'inviter le Ballet national de Finlande avec une nouvelle production de « Giselle », d'Adolphe Adam, dans une chorégraphie et une mise en scène de la Française Sylvie Guillem, spectacle créé à Helsinki en 1998. Grand succès public, il introduit un élément théâtral dans une chorégraphie demeurée très traditionnelle.
B ALLET le plus représenté de tous les temps, « Giselle », créé en 1841 à l'Opéra de Paris sur une musique d'Adolphe Adam et un argument de Théophile Gauthier, d'après Heinrich Heine, a été modifié par Marius Petipa en 1887 pour arriver à la chorégraphie classique qui est aujourd'hui au répertoire de presque toutes les compagnies de danse.
Quelques variantes, dont la célèbre adaptation de Mats Ek pour le Ballet Cullberg, elle aussi au répertoire de l'Opéra de Paris, ont depuis été proposées. Sylvie Guillem en a tenté une nouvelle lecture à Helsinki, en 1998, avec l'intention de remettre un peu de sang neuf dans la vie de personnages jugés un peu anémiés, spectacle que nous avons pu voir au Châtelet, qui a invité le Ballet national de Finlande à le représenter pour sept représentations, dont une matinée scolaire.
La grande ballerine française, qui se produit actuellement principalement au Royal Ballet de Londres, a encore dansé ce rôle au cours de la saison dernière en artiste invitée au palais Garnier, curieux mélange alliant une expressivité excessive au premier acte et un semblant de détachement du rôle au second. Elle va encore plus loin dans sa chorégraphie en s'effaçant au profit de l'action d'ensemble : au I, sa principale variation passe à la trappe, mais la scène de folie reste dansée et magnifiquement ! La partie villageoise est transposée dans une atmosphère et une lumière méditerranéennes, où tranche curieusement toute la blondeur des danseurs finlandais. Grâce à un décor en structures mobiles, l'unité de lieu se transforme en lieux multiples où le caractère dramatique s'exprime davantage, l'action commençant dès l'ouverture avec, en gros plan, les mises en marche parallèles d'Albrecht et d'Hilarion vers Giselle.
Les danseurs ont une part accrue de théâtre, chacun caractérisant un personnage bien typé, et du coup dansent moins. La pantomime classique est remplacée par un autre artifice tout aussi conventionnel mais plus contemporain.
Costumes de Ram[151]n B. Ivars, de couleurs ternes pour les paysans, plus chatoyantes pour la cour du prince et éclairages superbes d'Eric Lousteau-Carrere créent une atmosphère très réaliste, un peu à la façon du théâtre populaire des années soixante. Le Ballet de Finlande, autant que l'on puisse en juger de l'orchestre qui, par la conformation du plateau, ne permet pas toujours de voir les pieds des danseurs, est d'une très belle tenue, impression confirmée au second acte, lui intégralement dansé dans la tradition. C'est en effet les Wilis immatérielles, originales, telles que les a décrites Heine dans de superbes costumes romantiques, avec à leur tête une belle reine Minna Termamäki, qui assurent la seconde partie dans un décor de forêt dépouillé des attributs habituels. Cet acte blanc est intouché, sauf dans certains détails qui visent à donner plus de relief au final tragique, comme le gommage du rôle d'Hilarion et l'allure très névrotique du pas de deux entre le spectre de Giselle et le prince Albrecht, magnifiquement dansé par Sylvie Guillem et Kare Länsivuori.
Beaucoup reprochent à Sylvie Guillem cette adaptation qui privilégie le théâtre. Reste un très beau spectacle plein de vie, magnifiquement dansé et musicalement impeccable avec l'orchestre Colonne, dirigé par David Garfoth, responsable d'un nouveau découpage de la partition originale.
Châtelet (01.40.28.28.40). Prochain spectacle chorégraphique invité : Ballet de l'Opéra de Bordeaux-Aquitaine dans « Cendrillon 2000 », musique de Prokofiev, chorégraphie de Charles Jude, décors d'Ezio Frigerio ; les 15, 16, 18, 19 juin à 20 h ; le 17 à 16 h. Prix des places : de 55 à 345 F.
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