C' EST un « beau coup » que vient de réussir le Syndicat national des médecins biologistes (SNMB).
En déposant un recours devant le Conseil d'Etat, en septembre 1999, contre deux arrêtés interministériels du 1er juillet de la même année, modifiant des actes de la nomenclature et surtout abaissant de quatre centimes la valeur de la lettre clé B, le SNMB met aujourd'hui le gouvernement dans l'embarras.
En effet, les juges, s'ils n'ont rien trouvé à redire à la décision du gouvernement d'intervenir sur la nomenclature, ont annulé le texte ramenant le B de 1,80 à 1,76 F (la lettre clé a, depuis, subi deux autres baisses, puisqu'elle est cotée depuis décembre 2000 à 1,72 F).
Dans son attendu, la Cour ne fait pas directement allusion à la baisse du B, mais elle annule l'arrêté où elle figure : les juges reprochent à Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, de n'avoir pas appliqué les textes dans toute leur rigueur.
En effet, l'arrêté du 1er juillet incriminé (paru au « Journal officiel » du 2 juillet 1999), tout en abaissant la valeur du B, fixe à 12 800 millions de francs, les montants des dépenses d'analyses médicales qui pourront être pris en charge en 1999. C'est ce point précis qui a retenu l'attention du Conseil d'Etat.
En effet, l'arrêté L. 162-14-4 du code de la Sécurité sociale précise qu'il convient notamment de répartir ces sommes, donc cet objectif, entre les zones géographiques. Ce que le texte du gouvernement ne fait pas.
Pour le Conseil d'Etat, c'est clair : l'arrêté en question « méconnaît (...) les dispositions précitées de l'article L. 162-14-4 du code de la Sécurité sociale et doit par suite être annulé ».
Cet article comportant également la baisse du B, celle-ci doit aussi être annulée. En quelque sorte, pourrait-on dire au président du Syndicat national des médecins biologistes, le Dr Claude Cohen : bien vu et bien joué.
Un article qui n'existe plus
L'affaire se corse d'autant plus que le gouvernement se trouve aujourd'hui dans l'impossibilité de modifier son texte et d'observer l'article L. 162-14-4 du code de la Sécurité sociale, pour la bonne et simple raison... qu'il n'existe plus.
En effet, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, votée par le Parlement à l'automne 1999, a modifié le système de maîtrise des dépenses des biologistes, mettant la profession au même régime que les autres professionnels de santé : celui des lettres clés flottantes, ce qui s'est traduit d'ailleurs par deux nouvelles baisses du B, à la suite des rapports d'équilibre de la CNAM.
Le texte abroge de fait l'article L. 162-14-4 du code de la Sécurité sociale.
La baisse de 1999 étant annulée, les suivantes sont-elles légales ? Pour le droit, « rien n'interdit à un gouvernement de procéder à des baisses de tarifs », explique un juriste versé dans les problèmes de santé. Ce que reconnaît le Dr Claude Cohen. « Le Conseil d'Etat, dit-il, ne dénie pas au gouvernement de fixer la valeur de la lettre clé B ; il demande simplement que les textes soient convenablement appliqués, ce qui n'a pas été le cas en l'occurrence. » Mais, à l'évidence, le Syndicat national des médecins biologistes ne compte pas remettre en cause, devant les juges, les autres baisses intervenues depuis. Il aurait d'ailleurs peu de chances d'obtenir gain de cause.
En revanche, il compte bien demander un dédommagement aux pouvoirs publics pour le laps de temps qui a couru entre 1er juillet1999 et le 1er août 2000, date de la nouvelle baisse du B qui est alors passé à 1,74 F. « Durant ces treize mois, explique le Dr Cohen, le B aurait dû continuer à être coté à 1,80 F au lieu de 1,76 F. Les biologistes ont donc été pénalisés. Il faut aujourd'hui leur rendre justice. »
Si aucun montant n'est cité par le Dr Cohen, d'autres estiment le manque à gagner pour la profession proche de 300 millions de francs.
Enfin, le Syndicat des biologistes est d'autant plus satisfait de l'arrêt du Conseil d'Etat qu'il avait été le seul syndicat représentatif à refuser d'entériner les baisses de tarifs décidées par le gouvernement.
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