Borréliose de Lyme : quelle place pour les outils diagnostiques ?

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Publié le 27/03/2019
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Crédit photo : Phanie

Une chose est sûre, la maladie de Lyme n'a pas fini de diviser dans la communauté médicale. Alors que les recommandations de la Haute autorité de santé sur la borréliose de Lyme sont loin d'avoir fait l'unanimité, la commission des Affaires sociales du Sénat s'empare à son tour du sujet en réunissant des spécialistes autour de quatre tables rondes. Ce 27 mars, le cadrage épidémiologique et biologique et les outils d’aide au diagnostic étaient au cœur des échanges. La fiabilité des tests sérologiques et la chronicité de la maladie ont notamment été discutées.

« La commission n'a pas vocation à trancher, nous ne sommes pas les arbitres d'une controverse scientifique et médicale. Nous souhaitons comprendre, avec un objectif partagé que sont l'intérêt du patient et sa confiance dans le système de santé », souligne en introduction le Dr Alain Milon, président de la commission des Affaires sociales.

La place discutée du test ELISA

La borréliose de Lyme est la principale infection transmise par les tiques. Elle est due à la bactérie Borrelia burgdorferi et se caractérise généralement par l'apparition d'une rougeur cutanée caractéristique, appelée érythème migrant. Des formes disséminées avec atteintes neurologiques notamment peuvent également survenir.

« Plusieurs écueils peuvent compliquer le diagnostic : les patients ne s'aperçoivent pas toujours qu'ils ont été piqués par une tique, il est possible d'avoir une borréliose sans présenter d'érythème migrant et la symptomatologie n'est pas toujours objectivement parlante », souligne le Dr Céline Cazorla, infectiologue au CHU de Saint-Étienne et vice-présidente de la commission spécialisée maladies infectieuses et émergentes du Haut conseil de la santé publique (HCSP).

Les patients en phase primaire (les 4 premières semaines suivant la piqûre) sont généralement pris en charge par leur médecin généraliste qui se basera sur l'examen clinique en cas d'érythème migrant. À ce stade, la sérologie est inutile, les anticorps contre l'agent responsable de la maladie n'étant pas encore détectables.

Ce sont les phases ultérieures qui posent davantage problème. « En général, les patients viennent nous voir avec un ensemble de symptômes qui va nous conduire à mener une démarche diagnostique dans laquelle nous pouvons intégrer les tests sérologiques », note le Pr Christian Rabaud, infectiologue au CHU de Nancy, insistant sur l'importance de la démarche clinique.

C'est cet examen clinique approfondi qui conduira à réaliser ou non un test sérologique. « La recommandation actuelle, qui fait débat, est d'effectuer en premier lieu un test ELISA qui permet de voir si le patient a développé des anticorps contre l'agent de la maladie de Lyme, qui sera confirmé par un Western Blot », précise le Pr Rabaud. En cas de résultats négatifs, une prise en charge multidisciplinaire est essentielle pour déterminer la cause des symptômes. Par ailleurs, une sérologie positive peut être retrouvée chez des patients ne présentant aucun signe. Dans ce cas, la mise en place d'un traitement n'est pas justifiée.

Élargir les outils diagnostiques

Pour le Pr Yves Malthièry, ancien chef de service de biochimie et ancien directeur d’unité Inserm au centre hospitalier universitaire d’Angers, la biologie utilisée pour Lyme a ses limites. Le test ELISA ne permet de tester que la présence d'anticorps dirigés contre Borrelia burgdorferi. « Dans 30-40 % des cas, le test est négatif alors que les signes cliniques évoquent une borréliose, estime le Pr Malthièry. La borréliose peut être liée à d'autres souches pathogènes ». « Aucun test ne couvre l'ensemble des pathogènes », abonde le Dr Hugues Gascan, immunologiste et directeur de recherche au CNRS.

Le Pr Malthièry déplore également que le Western Blot ne soit pas utilisé en première ligne comme le test ELISA, alors qu'il permet de tester différentes souches.

Le projet OH!Ticks, mené par l’Institut national de recherche agronomique (INRA), l'institut Pasteur, le CHU de Saint-Etienne, le CHU de Besançon et l'AP-HP (Raymond Poincaré et Saint-Antoine), a pour ambition de mieux comprendre les maladies à tiques. Ce projet pilote a démarré en 2017 et se terminera en 2021. « L'objectif est d'étudier une centaine de patients qui ont développé des symptômes à la suite d'une piqûre de tique avérée afin d'avoir une idée des agents pathogènes impliqués, autres que la bactérie Borrelia, et de pouvoir développer de nouveaux outils diagnostiques », explique Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département « Santé animale » de l’Institut national de recherche agronomique (INRA).

Alain Trautmann, immunologiste et président du fonds de recherche « BioTique » de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques, s'est quant à lui inquiété des groupes de scientifiques qui estiment que la forme chronique de la maladie n'existe pas. « On ne peut pas dire que le problème de la maladie de Lyme n'existe pas alors que des moyens pour la recherche sont nécessaires », juge-t-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr