Q UE s'est-il réellement passé à la clinique du Belvédère, de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, ce 31 janvier 2000, lors de l'accouchement d'une jeune femme, Isabelle C., attachée parlementaire d'un groupe politique de l'opposition à l'Assemblée nationale ?
Selon le journal « le Figaro », qui a recueilli les confidences de la patiente, cet établissement, pourtant réputé dans le gotha parisien, aurait été au-dessous de tout, commettant une série d'erreurs qui auraient notamment conduit à la mort du nouveau-né.
La gynécologue (extérieure à l'établissement et choisie par les parents), aurait essayé d'extraire l'enfant par deux fois au forceps sans y parvenir, mais n'aurait obtenu aucun secours des autres médecins de la clinique. « La gynécologue, explique au "Figaro" le mari d'Isabelle C, était dépassée. Elle implorait l'aide d'un collègue pour faire une césarienne. Personne ne venait. Avec mauvaise grâce, un médecin sur le point de quitter la clinique a choisi de rester. » Mais la césarienne se passe tragiquement, puisque l'artère utérine de la mère est sectionnée et l'enfant extrait dans un état déplorable. Pourtant, l'établissement aurait attendu de longues minutes avant d'appeler le SAMU. Et l'enfant décède à son arrivée dans un autre établissement.
Instruction judiciaire en cours
Ces graves accusations se sont traduites, à la suite de la plainte des parents, par l'ouverture d'une information judiciaire contre X avec constitution de parties civiles pour homicide involontaire, et confiée à la juge d'instruction Catherine Samet.
Malheureusement, l'histoire ne s'arrête pas là. Isabelle C. reproche aussi à la clinique de l'avoir laissée toute une nuit sans soins, alors qu'elle était victime d'hémorragies et qu'aucun médecin de garde ne répondait à son appel de détresse et à celui de son mari. Au matin, c'est même l'époux qui aurait appelé le SAMU pour que sa femme soit transférée à l'hôpital Foch de Suresnes, où les médecins l'opèrent pendant plus de deux heures. Un nouveau drame est évité de justesse, si l'on en croit le couple.
Une campagne « scandaleuse »
La version des faits est tout à fait différente chez les responsables de l'établissement. Le Dr Jean Bouquet de Jolinière, directeur médical de la clinique du Belvédère, et ancien chef de service à l'hôpital Beaujon, se dit « scandalisé par cette campagne médiatique qui vise à dénigrer un établissement qui, en l'an 2000, a effectué plus de 1 400 accouchements, parfois difficiles ou compliqués, et qui n'ont pas donné lieu à des affaires ».
Pour le Dr Bouquet de Jolinière, « qui s'associe à la douleur des parents », la clinique ne peut être tenue pour responsable du drame survenu lors de l'accouchement. A mots couverts, on comprend qu'il s'interroge sur la capacité du gynécologue en question à conduire cet accouchement. « La clinique étant ouverte, dit-il, nous ne pouvons nous opposer à ce qu'un gynécologue choisi par la famille fasse un accouchement. Nous fournissons les installations, mais n'avons pas droit de regard sur le choix du médecin. » En clair, le médecin n'étant pas parvenu à extraire, par deux fois, l'enfant au forceps, il aurait causé des dommages irrémédiables. Pour autant, ne fallait-il pas l'aider ? « Nous l'avons fait, réplique le directeur médical du Belvédère et c'est même moi qui ait pris la décision de faire pratiquer la césarienne. Malheureusement, le bébé était déjà dans un très grave état, tant et si bien que nous avons décidé d'appeler le SAMU. »
Selon le Dr Bouquet de Jolinière, aucun véhicule du SAMU des Hauts-de-Seine n'étant disponible, il a fallu attendre le SAMU 75, qui a transporté le nouveau-né à l'hôpital Brune, où malheureusement il est décédé peu après son arrivée. « Il est décédé d'une fracture du crâne et d'un hématome sous-dural », poursuit le directeur médical du Belvédère.
« Il y a, poursuit-il, une instruction judiciaire en cours et nous verrons son déroulement. Mais je suis certain que nous aurons un non-lieu. »
Venons-en à l'autre accusation : la non-assistance à personne en danger et l'absence de tout médecin de garde, alors qu'Isabelle C. est victime d'hémorragies. Là encore, le Dr Jean Bouquet de Jolinière conteste la version des faits d'Isabelle C. et de son mari. « Nous avons veillé la patiente jusqu'à deux heures du matin, puis l'avons remonté dans sa chambre. Et il est faux d'affirmer qu'aucun médecin n'ait été de garde alors qu'un anesthésiste est toujours présent et prêt à répondre à toute urgence. »
Quand Isabelle C. a-t-elle été transférée à l'hôpital Foch de Suresnes ? « Au matin, et c'est moi, poursuit-il, et non le mari, comme il l'affirme, qui ai pris cette décision. »
Des intérêts politiques ?
Clairement, pour le médecin, on cherche, par cette affaire, à déstabiliser l'établissement et à lui causer du tort. Dans quel but ? Le praticien ne répond pas, mais un des médecins qui travaille dans la clinique depuis plusieurs années n'hésite pas à mettre en cause certains concurrents qui « ne supporteraient pas la réussite de la clinique du Belvédère »; un autre met en avant des raisons politiques, dans un département qui connaît certains remous dans ce domaine. Reste quand même que l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France, silencieuse aujourd'hui, avait procédé il y a quelques mois à la fermeture du service de chirurgie, en hôpital de jour. Elle avait relevé un manque de personnel qualifié lors d'une inspection. « Mais, explique le Dr Bouquet de Jolinière, nous avions ce jour-là plusieurs personnes en arrêt de travail, et, depuis, nous avons procédé au recrutement de nouveaux personnels. Tant et si bien que cette interdiction a été levée au bout d'un mois. » Mais, surtout, le directeur médical de l'établissement tient à faire remarquer que jamais le service de gynécologie n'a été concerné par une quelconque interdiction.
« J'exerce depuis vingt ans dans cette clinique, où je pratique très souvent des accouchements, explique pour sa part le Dr Lydia Marié-Scemama, et je peux vous assurer que tout est fait pour que la plus grande sécurité soit observée et qu'aucune négligence ne soit tolérée. » Alors pourquoi et comment ce drame ? A chacun sa vérité, en quelque sorte. Entre la version de la famille et celle de la direction de l'établissement, l'information judiciaire devra montrer avec précision où se situent les responsabilités.
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