Cancer de la prostate

Ce que disent les chiffres

Par
Publié le 15/05/2017
Article réservé aux abonnés
prostate

prostate
Crédit photo : Phanie

Le dépistage et le diagnostic précoce du cancer de la prostate (CaP) ont permis de réduire le taux de formes graves au diagnostic, mais ont été à l'origine de surdiagnostics et parfois de surtraitements pour des cancers peu évolutifs et de bon pronostic immédiat. Quelle pratique de dépistage proposer aujourd'hui, alors que le toucher rectal et le dosage du PSA restent les seuls tests validés pour la détection précoce de ce cancer ?

Une incidence loin devant celle du poumon et du colon

Pour répondre à cette question il faut notamment se fonder sur les chiffres, ceux de l'évolution de l'incidence et de la mortalité par cancer de la prostate et ceux de la pratique du dosage du PSA, des biopsies et des traitements induits.

Grâce à la modélisation par France Cancer Incidence et Mortalité (Francim) des données d'incidence par les registres de cancer qui couvrent la population de 11 départements français, et des données de mortalité Inserm-CepiDC, il a été possible de faire une estimation nationale de l'évolution du CaP entre 1980 et 2009. L'estimation a été impossible pour les dernières années du fait d'incertitudes sur la modélisation liée aux fluctuations des chiffres.

Le recours large au dosage sérique du PSA dans un objectif de dépistage individuel s'est accompagné d'une forte augmentation de l'incidence de ce cancer du début des années 2000 jusqu'en 2005. Puis, son incidence a fortement baissé entre 2005 et 2009. Le taux d'incidence standardisé est ainsi passé de 24,8 cas/100 000 personnes-années en 1980 à 127,1 cas/100 000 en 2005 puis à 99,4/100 000 en 2009. Cette année-là, quelque 53 000 cas CaP ont été recensés, plaçant l’incidence de ce cancer loin devant celles du poumon ou du côlon. L'âge moyen au diagnostic était de 70 ans, âge qui correspond au pic d'incidence. Toujours en 2009, il a été responsable de près de 9 000 décès, avec un âge médian au décès de plus de 80 ans, et une augmentation régulière de la mortalité avec l'âge.

Des projections fiables difficiles

Si l'incidence du CaP a donc connu de grandes variations au cours de la période 1980-2009, sa mortalité a en revanche baissé régulièrement depuis la fin des années 1990, avec une diminution moyenne de 4 % par an entre 2005 et 2009. Le taux de mortalité standardisé est passé de 18 en 1990 à 11,3 en 2009.

Difficile aujourd'hui de faire des projections fiables sur l'évolution future de l'incidence de ce cancer. La chute observée depuis 2005, que l'on peut en partie expliquer par le fait que bon nombre des cancers prévalents avaient déjà été diagnostiqués au moment du boom du dépistage, va-t-elle se poursuivre ou au contraire les chiffres vont-ils se stabiliser ? L'analyse des demandes d'affection de longue durée (ALD) pour CaP plaide plutôt en faveur de cette deuxième hypothèse.

28,9 % d'hommes dépistés en 2015

Les données du système national d'information interrégimes de l'Assurance-maladie (SNIIRAM) apportent de leur côté un éclairage sur l'évolution du dépistage individuel au cours des dernières années, de 2009 à 2015. La proportion d'hommes de plus de 40 ans, indemnes de CaP, et ayant eu au moins un dosage de PSA dans l'année est restée stable aux alentours de 30 % de 2009 à 2011 ; elle a diminué à 26,9 % en 2014 avant de remonter à 28,9 % en 2015. Sur une période de 3 ans, de 2013 à 2015, 48 % des hommes de plus de 40 ans ont eu au moins un dosage de PSA, proportion qui atteint près de 90 % pour ceux âgés de 65 à 79 ans.

Cette diminution globale est jugée peu satisfaisante par l’Association française d'urologie (AFU) pour les hommes âgés de 50 à 69 ans, pour lesquels le bénéfice du dépistage serait le plus favorable puisque 62 % avaient réalisé au moins un dosage du PSA sur une période triennale entre 2012 et 2014, contre 77 % dans la période 2008-2010, même si cette tendance semble avoir commencé à s’inverser en 2015.

Une prescription raisonnée néacessaire

Le taux de nouveau CaP est resté stable au cours de cette période, à 0,4 %. Enfin, la pratique d'IRM est en plein essor : la proportion d'hommes ayant eu une IRM puis une biopsie a augmenté, passant de 18 % en 2013 à 27 % en 2015. La place des nouveaux biomarqueurs diagnostiques ou prédictifs n’est pas encore validée.

Du côté des prises en charge thérapeutiques, la part de la surveillance active des cancers de faible risque augmente alors que diminue le nombre de traitement curatif immédiat (près de 18 000 prostatectomies en 2014, contre environ 27 000 en 2007). Ceci témoigne de la dissociation entre la prescription hétérogène du PSA, parfois mal répartie dans les tranches d’âges utiles et excessive en termes de fréquence de répétition, la moindre réalisation de biopsie par les urologues et la diminution des traitements immédiats en faveur de la surveillance active dans certaines situations bien cernées.

Une prescription raisonnée du PSA est nécessaire, facilitée par les dernières recommandations de l’AFU qui propose un cadre structuré fondé sur un premier dosage de PSA entre 50 et 60 ans, la prise en compte du résultat du dernier dosage du PSA pour envisager le délai avant de reproduire le test et l’estimation d’un risque de survenue de CaP agressif justifiant d’un suivi spécifique et éventuellement d’une biopsie.

D'après un entretien avec le Dr Xavier Rébillard, chirurgien urologue, clinique Beausoleil, Montpellier

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste