Ce que propose le rapport Polton pour éviter la désertification médicale

Publié le 18/01/2001
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I L aura fallu neuf mois de travail au comité interministériel, associant représentants des ministères, acteurs locaux (ARH, DRASS, directeurs hospitaliers), experts et universitaires, placé sous la présidence de Dominique Polton, pour aboutir à un rapport de synthèse de plus de 350 pages intitulé « Quel système de santé à l'horizon 2020 ? ».

Un rapport qui servira de base dans les mois à venir à l'élaboration du « Schéma de services collectifs sanitaires » prévu dans la loi pour l'aménagement et le développement du territoire du 25 juin 1999.
Dans ce rapport, Dominique Polton dresse un état des lieux du système de soins globalement rassurant (nombre important de médecins en comparaison avec des pays voisins, très bonne diffusion sanitaire, desserte relativement satisfaisante, etc.).
En revanche, les évolutions prévisibles soulèvent un certain nombre de craintes pour l'avenir. Un exemple : la proportion des médecins dans la population générale devrait considérablement baisser dans les vingt prochaines années. De plus, les écarts locaux en matière d'offre de soins devraient encore se creuser. « Ces risques de pénuries localisées appellent donc à des mesures pour assurer une répartition équilibrée de l'offre sur le territoire et notamment maintenir un réseau suffisamment dense de médecins généralistes », note le rapport.
Pour relever ces défis, quatre grandes orientations ont été définies :
- donner un rôle croissant à l'échelon régional et local ;
- développer la prévention et la promotion de la santé ;
- organiser les services de santé en tenant compte des réalités géographiques et des territoires ;
- favoriser l'adaptabilité et la capacité d'évolution du système.

Pas de numerus clausus à l'installation

Le chapitre consacré à l'amélioration de l'organisation des services sur le territoire est certainement le plus intéressant.
Les principales recommandations formulées dans ce domaine sont les suivantes :
• Accès au système de soins sur tout le territoire
Sur ce chapitre, le rapport Polton souligne la nécessité d'affiner le diagnostic sur les besoins dans certaines zones géographiques en relation avec les administrations régionales (DRASS et URCAM) et de favoriser un maillage serré du territoire par les médecins de premier recours.
Pour atteindre cet objectif, le rapport propose la mise en place :
- soit de politiques incitant les médecins libéraux à s'installer dans les zones défavorisées (incitations financières mais aussi mesures favorisant la qualité de la vie et l'intérêt professionnel) ;
- soit une obligation de service en début de carrière (le médecin étant obligé après sa thèse de s'installer dans certaines zones) ;
- soit le recours à des services de santé publics, en cas de carence de la médecine libérale.
Le rapport ne retient pas la proposition de créer un numerus clausus à l'installation (qui empêcherait les médecins de s'installer dans certaines zones), proposition « difficile à concevoir et à gérer » et il ne juge pas « pertinent » le conventionnement sélectif par la Sécurité sociale ou les assureurs.
En revanche, il propose une idée relativement nouvelle : celle de développer la réflexion sur « le contenu des métiers et des différents professionnels, les substitutions possibles et les conditions pour qu'elles permettent un service de qualité au plus proche des individus ». Autrement dit, il s'agirait de redéfinir les frontières entre les différentes professions de santé et de permettre à certaines d'effectuer des tâches actuellement réservées à d'autres.
• Des soins de proximité polyvalents et coordonnés
La situation actuelle exige d'apporter au patient une prise en charge plus globale, une continuité du service et la disponibilité des différents services dont il a besoin au même point d'entrée, notamment dans les zones dites fragiles, note le rapport. Parmi les différentes solutions proposées pour atteindre cet objectif, figurent :
- dans les zones rurales, le développement d'un fonctionnement en réseau des généralistes prenant appui, lorsqu'il existe, sur un hôpital local renforcé. Ce qui pourrait permettre d'offrir une gamme de services étendue (soins externes, consultations avancées de spécialistes, soins paramédicaux, etc.) ;
- dans les quartiers difficiles et mal desservis par la médecine de ville, la création de maisons de santé fonctionnant avec des professionnels libéraux, des associations et assurant l'accueil social, la prévention. Ces structures pourraient également assurer les urgences préhospitalière ;
- dans les zones très enclavées, « la possibilité de maintenir par exception des possibilités de soins (c'est-à-dire des structures qui seraient normalement condamnées à disparaître) à condition de les organiser en liaison étroite avec les centres de référence ». Le rapport suggère que les médecins puissent à tour de rôle assurer une permanence de soins dans ces structures.
• Un réseau de soins hospitaliers
Au-delà de ce premier cercle des services de proximité, le rapport indique que l'organisation des soins hospitaliers devra permettre un continuité entre les soins courants dispensés par l'hôpital général et les services de pointe qui peuvent concerner plusieurs régions. Cela suppose, notamment que, dans l'avenir, les services hospitaliers de qualité devront :
- utiliser les progrès techniques pour raccourcir les durées d'hospitalisation, quand c'est possible (le développement de la chirurgie ambulatoire et plus globalement des alternatives à l'hospitalisation sur lesquelles d'autres pays sont beaucoup plus avancés devront être un objectif) ;
- s'organiser de manière coopérative avec les autres établissements, plus ou moins spécialisés, pour permettre « un fonctionnement en réseau » dans lequel les hôpitaux référents seraient au service du réseau.

Ce que retient la Datar

Dans son projet de « Schéma de services collectifs sanitaires », qui sera soumis à la concertation, la Datar (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) ne retient pas toutes les propositions du rapport de Dominique Polton. Si certaines sont presque intégralement reprises, d'autres disparaissent ou sont très atténuées.
La Datar se fait discrète sur tout ce qui concerne la démographie médicale. Elle appelle « l'ensemble des acteurs des secteurs ambulatoires et hospitaliers », dans la perspective d' « une organisation graduée et coordonnée des services sanitaires », à « opérer une mutation culturelle », évoque une inévitable « transformation des pratiques professionnelles », suggère une possible révision du « contenu des métiers » ; mais elle n'entre pas dans le détail d'éventuelles politiques incitatives ou d'obligations de service pour les médecins. Du côté de l'hôpital, en revanche, la Datar emboîte le pas à Dominique Polton : les différents niveaux d'hospitalisation, la définition des missions de chacun figurent dans le projet de schéma. Même chose pour les soins de proximité : les solutions proposées de correction des inégalités d'accès aux soins dans les zones rurales en voie de dépeuplement, les quartiers périurbains défavorisés et les zones enclavées géographiquement sont reprises.
Plus « politique » que le rapport sur lequel il se base, le document-projet de la Datar annonce la couleur dès l'ouverture de son chapitre : « Orientations et choix stratégiques».« La gestion (des réseaux de professionnels de santé) par des assureurs en concurrence n'est pas inéluctable. (...) D'autres modalités sont mieux à même de garantir le maintien de principes d'égal accès aux soins et d'équité dans la distribution des services. »

Clara CAHART

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6838