C HARLES TRENET était un marchand de bonheur. En soixante ans de carrière et plus de 1 000 chansons, parmi lesquelles des tubes immortels et des ritournelles qui ont fait le tour du monde dans quasiment toutes les langues, celui qui avait été surnommé dans les années 1930/1940 - à tort ou à raison - le « fou chantant », incarnait la chanson française. La vraie, l'authentique. Celle qui s'écrit avec la culture et la connaissance de la langue, pas avec des dictionnaires de rimes.
Paradoxalement, c'est grâce au jazz et à ses rythmes fous d'avant-guerre que Charles Trénet est devenu un des chanteurs français les plus populaires. Né à Narbonne en mai 1913, il monte à Paris à l'âge de 17 ans et y rencontre, dans un club de jazz de Montparnasse, un jeune pianiste suisse, Johnny Hess. Celui-ci lui fera découvrir le jazz swing et des chanteurs américains comme Cab Calloway, créateur de « Mini The Moocher » et archétype de l'« entertaineur » de l'époque. Plusieurs succès, comme « Y'a d'la joie » (1937), « Je chante » (1937), « Boum » (1938), notamment, témoignent des sources d'inspiration musicale du jeune homme, le tout mis aux goûts des Français.
Durant les années de guerre, le chanteur va écrire également quelques-uns de ses plus gros tubes, dont le célébrissime « la Mer ». La légende - lancée par Charles Trénet lui-même ! - veut que ce poème, dont les droits ont rapporté autant d'argent à son auteur que le « Boléro » de Ravel, ait été écrit sur une feuille de papier toilette, dans un train entre Sète et Montpellier. Aujourd'hui, il existe plus de 4 000 enregistrements de cette chanson dans le monde entier, dont la très belle version anglaise, intitulée « Beyond The Sea », du guitariste/chanteur George Benson.
Après-guerre et jusqu'à encore très récemment, le chanteur-poète donnera à la variété française de très grande qualité des textes merveilleux, agrémentés par des mélodies extrêmement populaires, faciles à chanter et à retenir. De celles que l'on fredonnera toujours, de génération en génération. De « Que reste-t-il de nos amours » à « Moi, j'aime le music-hall » en passant par la magnifique « Complainte des poètes ».
Car voilà bien le secret du grand Charles. Durer éternellement. Surpasser les clivages entre anciens et nouveaux, entre jeunes et vieux pour inscrire une uvre dans le temps. Durant toute sa vie de chanteur, Charles Trénet aura eu comme principal objectif de servir la chanson française, comme on sert son pays et sa patrie. Lui, le recalé à l'Académie française, méritait bien d'entrer au Panthéon des grands poètes reconnaissants.
* Victime d'une première attaque , Charles Trénet avait été hospitalisé la semaine dernière ; selon son secrétaire, il a pris lui-même, dimanche, « la décision de faire arrêter la souffrance, les médicaments ».
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